L’association non gouvernementale Médecin du monde (MDM) a déposé ce matin un mémoire d’opposition au brevet du Sovaldi, devant l’Office européen des brevets (OEB), contestant ainsi la propriété intellectuelle du sofosbuvir par Gilead. Le sofosbuvir est un traitement oral de l’hépatite C dont le prix obtenu auprès du Comité économique des produits de santé (41 000 euros pour une cure de 12 semaines) avait fait grincer quelques dents dans le milieu associatif. L’ONG estime que le sofosbuvir n’est pas une molécule suffisamment innovante pour mériter un brevet. Selon Jean-François Corty, directeur des opérations de MDM, il ne s’agit pas « de remettre en question la propriété intellectuelle, mais simplement le fait que Gilead abuse d’une procédure de brevet qui n’a pas lieu d’être pour établir un monopole. Le sofosbuvir n’est pas issu de recherches faites par Gilead mais par les chercheurs de l’université publique de Cardiff » par l’équipe du Pr Chris Mc Guinan. « Les laboratoires sont entrés dans une logique de brevetage d’intuition qui bloque l’innovation. Ce prix de 41 000 euros n’existe que pour rembourser le rachat de Pharmasset (l’entreprise de biotech qui a transformé la molécule de Cardiff pour lui permettre de rentrer dans les cellules hépatiques N.D.L.R) et nous impose un rationnement vis-à-vis de nos patients », poursuit Jean François Corty.
Un an et demi de procédure
C’est la première fois qu’un acteur de la société civile s’engage dans une telle action. En 2004, l’Institut Curie, l’institut Gustave-Roussy et l’AP-HP avaient obtenu l’annulation des brevets détenus par Myriad Genetics sur le gène BRCA-1.
Une action d’opposition peut être déposée dans les 9 mois qui suivent la délivrance d’un brevet par l’OEB. Dans le cas du sofosbuvir, la date limite est fixée au 21 février. Il n’est donc pas exclu que d’autres opposants se manifestent d’ici là. L’OEB va ensuite engager une nouvelle réflexion pendant un an et demi sur la base des éléments apportés par les plaignants, et sur ceux que pourrait ajouter le détenteur du brevet.
Une action très « politique »
Jean-François Corty ne cache pas l’aspect très « politique » de la démarche de MDM. « Nous avons monté un dossier solide, et nous sommes correctement conseillés, mais ce que l’on veut avant tout, c’est que l’on puisse débattre sur le médicament, la transparence et les modalités de fixation des prix », explique-t-il. L’ONG espère également que les débats autour de la loi de santé constitueront une occasion d’aborder ces thématiques. « Le combat sur le sofosbuvir préfigure celui des traitements personnalisés du cancer qui seront eux aussi très chers, et concerneront un grand nombre de patients », prédit le directeur des opérations de MDM.
La suite de l’échec de la licence d’office
En novembre dernier, Médecin du monde s’était déjà engagé en faveur de la mise en place d’une licence d’office pour le sofosbuvir. L’action européenne déposée ce matin fait suite au refus des pouvoirs publics d’accéder à cette demande.
Depuis le début de l’année, deux autres traitements, Viekirax (comprimés d’ombitasvir de paritaprevir et de ritonavir) et Exviera (dasabuvir), produits par AbbVie, ont également obtenu leur AMM européenne. Ils doivent bientôt recevoir un prix temporaire, cassant de fait le « monopole » de Gilead dénoncé par les associations. Contacté ce mardi par « le Quotidien », Gilead Science n’a pas souhaité commenter l’action tentée par Médecin du monde.
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