Un quadragénaire soupçonné d'avoir tué mercredi à l'arme blanche le Dr Patrick Rousseaux dans son cabinet de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir) a été interpellé mercredi soir aux Mureaux (Yvelines). Quelques heures auparavant, le praticien avec lequel il partageait ses locaux avait retrouvé le Dr Rousseaux sans vie dans son cabinet, le corps lardé d'une trentaine de coups de couteau.
Le suspect a été trouvé sur la voie publique par des policiers qui avaient remarqué une blessure à un bras. L'homme leur a expliqué qu'il s'était lui-même entaillé « pour enlever une puce électronique qu'on lui avait posée ». Hospitalisé pour faire soigner ses blessures, il a agressé le personnel soignant.
Une ville sous le choc
À Nogent-le-Rotrou, où il avait toujours exercé en tant que généraliste, le Dr Patrick Rousseaux laisse derrière lui une femme et trois enfants, et une ville entière sous le choc.
« Je suis passé au cabinet mercredi vers 11 h 20 pour chercher du courrier, raconte au "Quotidien" son associé et ami, le Dr Michel Girard, qui ne travaillait pas ce jour-là. C'est là que je l'ai trouvé. Ses derniers patients de la matinée étaient partis car à 11 heures, c'est la fin de ses consultations, quelqu'un a dû sonner au dernier moment ».
Un autre confrère et ami, le Dr Jean-Pierre Roman, évoque « un être plein d'humanité, avec qui je partais en week-end et en vacances ».
« Tous les confrères de la ville et des environs ont fermé leur cabinet dès l'annonce du crime, nous sommes tous sous le choc », indique un autre de ses confrères, le Dr Philippe Rouault, généraliste à Margon, commune toute proche. Il décrit un confrère « jovial, sociable, drôle, au contact facile et à l'excellente réputation ». Le praticien avait de nombreuses passions : la moto, la musique, et le tir à la carabine. « Il a dû tomber sur un patient détraqué, estime le Dr Rouault. Ça nous arrive à tous de recevoir sans rendez-vous un patient véhément que vous ne connaissez pas forcément. Vous n'accédez pas à sa demande, et ça dégénère en catastrophe ».
Les praticiens de Nogent-le-Rotrou garderont leur cabinet fermé ce vendredi 3 février, assure le généraliste. Ce même jour, ils se retrouveront tous ensemble pour décider de la conduite à tenir. Parallèlement, un recueillement silencieux, lancé par un des patients du Dr Rousseaux, aura lieu ce vendredi à 18 heures devant le cabinet du praticien décédé. « Au-delà des professionnels de santé, c'est toute une ville qui est traumatisée », conclut Philippe Rouault.
Sentiment de révolte
Responsable départemental de la CSMF, le Dr Gérald Galliot parle pour sa part d'un « sentiment de révolte ». Les violences, qu'elles soient physiques ou verbales, augmentent dans les cabinets, assure-t-il. « Pas une année sans qu'un confrère ne soit brutalisé à son cabinet, ajoute-t-il, même si le sommet de l'horreur a été atteint hier ».
Les actions et les hommages s'organisent. Un rassemblement silencieux, auquel est conviée la population, est prévu le mardi 7 février à midi devant la préfecture de Chartres. Seront notamment présents le Dr Raphaël Rogez,président de l'URPS Centre-Val-de-Loire, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF ou encore le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF.
Le même jour, le Dr Galliot et la présidente du conseil départemental de l'Ordre, le Dr Véronique Fauchier, rencontreront le préfet d'Eure-et-Loir, Nicolas Quillet. Au menu : « envisager des mesures qui auraient déjà dû être prises », s'énerve le Dr Galliot qui rappelle qu'il y a dix ans déjà, il s'entretenait de ces mêmes problèmes d'agressions de médecins avec le ministère de l'Intérieur.
Caméras
À l’époque, une des mesures envisagées était l'instauration d'un numéro d'appel d'urgences à 4 chiffres, réservé aux professionnels de santé. Mais il n'est pas certain qu'un tel dispositif soit réellement adapté à une situation d'agression. Aujourd'hui, Gérald Galliot penche plus pour des caméras installées dans les cabinets et les salles d'attente. L'URPS a annoncé qu'elle apporterait son soutien aux initiatives visant à renforcer la sécurité des médecins dans le cadre de leur exercice professionnel.
Les politiques sont invités à passer à l'action. Le Dr Patrick Bouet, président de l'Ordre national, rappelle qu'il a rencontré le 15 décembre dernier le ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux, « qui avait à cette occasion souscrit plusieurs engagements relatifs à la protection des professionnels de santé, applicables dans les plus brefs délais ». L'Ordre l'exhorte, ainsi que Marisol Touraine, à mettre en œuvre ces mesures au plus vite.
Une ville plutôt calme
À l'Ordre départemental des médecins, la présidente se déclare « sidérée par ce déchaînement de violence, dans une ville et dans un quartier plutôt calme ». L'institution fait remonter toutes les incivilités, agressions verbales ou physiques, à l'Observatoire de la sécurité des médecins dont s'est doté l'Ordre national en 2002. Avec cependant de maigres résultats concrets, sinon un travail statistique.
Le Dr Fauchier compte interpeller le préfet lors de la rencontre du 7 février, et en fera autant avec le directeur général de l'ARS. L'Ordre d'Eure-et-Loir envisage également de se porter partie civile dans cette affaire, « afin d'avoir accès à l'ensemble du dossier », précise la présidente.
La ministre de la Santé s'associe à la douleur des proches du Dr Patrick Rousseaux, a-t-elle fait savoir. Marisol Touraine « exprime son soutien à l'ensemble des médecins généralistes de France, endeuillés par ce drame, qui accomplissent chaque jour un travail exemplaire, dans des conditions parfois difficiles, au service de leurs patients ».
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