LE QUOTIDIEN – Vous dressez un bien sombre tableau de la démographie médicale française. Qu’est-ce qui vous paraît le plus préoccupant ?
Dr MICHEL LEGMANN – 312 médecins pour 100 000 habitants contre 322 au 1er janvier 2008, c’est inquiétant. Plus grave encore, sur 10 inscriptions au tableau de l’Ordre, neuf concernent des médecins salariés. Comment voulez-vous que se poursuive l’activité libérale dans ces conditions ? On note également une augmentation considérable du nombre des remplaçants. Ils sont aujourd’hui 10 000 et leur nombre a augmenté de 550 % en 20 ans. Ca veut dire qu’une très forte proportion de médecins ne souhaite plus s’installer. Comme d’un autre côté, le nombre de consurs ne cesse d’augmenter, et que, compte tenu de leurs multiples charges, elles n’exercent pas, pour la plupart d’entre elles, à plein-temps, tous ces facteurs concourent à une chute du nombre d’actifs. Il y a là un réel problème, dont les pouvoirs publics ne mesurent absolument pas l’ampleur. Comme toujours, on a tendance à traiter les symptômes et pas la cause. C’est bien beau d’augmenter le numerus clausus, mais à la sortie, le problème reste le même puisqu’on continue à manquer de médecins. Trop de contraintes se sont accumulées depuis trop d’années sur cette profession, aujourd’hui le maximum est atteint en matière de désincitation, et cela explique la différence spectaculaire entre le nombre de futurs médecins en formation et ceux que l’on retrouve véritablement à la sortie des études pour l’exercice effectif.
L’incitatif ne marche pas très fort, l’Ordre est opposé aux contraintes. Quelle est la marge des tutelles dans ces conditions ?
Peut-être les incitations demeurent-elles insuffisamment attractives, mais il ne faut pas exagérer. J’ai assisté en détail au débat parlementaire sur la loi HPST [Hôpital, patients, santé et territoires], et j’ai vu certains parlementaires avoir des exigences exorbitantes, comme prétendre obliger un médecin à s’installer dans une zone où il ne vit quasiment plus personne, d’où l’État s’est complètement retiré. Il n’y a plus de Poste, plus d’école, plus de banque. Bref il n’y a plus aucun service mais on voudrait malgré tout imposer à un médecin de venir s’y installer avec femme et enfants. Certains voudraient même contraindre un médecin à visser sa plaque là où il n’y a jamais eu de médecin ! Il faut arrêter la démagogie et tâcher enfin de remédier à ce grave problème de manière responsable, juste et conséquente.
Vous réclamez depuis toujours une place centrale pour l’Ordre dans la gouvernance des ARS (agences régionales de santé). La loi HPST vous a écarté de cette mission, avez-vous encore espoir que les décrets vous redonnent la place que vous réclamez ?
Après des mois de vaines et stériles discussions, la ministre de la Santé elle-même a quelque peu accepté de soutenir mon point de vue. Elle a en effet déclaré à l’Assemblée, à la fin de la discussion sur la loi HPST, que le directeur de l’ARS devrait consulter le président du conseil régional de l’Ordre sur les dossiers qui le concernent. Il reste bien entendu à acter tout ça dans les décrets d’application. Le seul organisme véritablement compétent en matière de démographie médicale, c’est l’Ordre. Parce que nous sommes les notaires de la profession, et que nous détenons et mettons à jour les dossiers des médecins. Nous sommes les seuls à savoir qui fait réellement quoi, qui travaille à temps plein, qui exerce réellement la médecine générale, parce que nous sommes sur le terrain. Si on veut réellement que les ARS fonctionnent, en s’appuyant sur le réel et non sur des statistiques administratives, il faudra bien qu’on nous considère un peu plus.
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