C’EST EN 1975 qu’un gériatre, Clark, utilise pour la première fois dans un article de la revue « The Lancet », le terme de syndrome de Diogène, en référence au philosophe Diogène de Sinope, le plus célèbre représentant de l’école cynique, pour désigner ces personnes qui vivent dans des logements encombrés de tonnes d’objets et d’immondices. « Le socle commun des différents aspects de ce syndrome, explique le Dr Christine Chansiaux-Bucalo (gériatre, hôpital Bretonneau), est l’absence totale de demande de la part de ces personnes qui semblent pourtant avoir besoin de tout ». Les critères secondaires sont une relation extrême aux objets, le plus souvent innombrables et entassés, au corps, négligé, sale, parfois, mais rarement, trop propre, une relation extrême également aux autres, faite habituellement de misanthropie et de cynisme. La présence de ces trois critères caractérise le syndrome Diogène complet mais il existe des formes partielles qui combinent de façon diverse chacun de ces critères. La fréquence de ce syndrome est difficile à évaluer ; seuls les cas les plus visibles sont signalés aux services sociaux et ils ne représentent que la partie émergée de l’iceberg.
Dans une enquête rétrospective portant sur 114 cas de syndrome de Diogène signalés, chez des personnes âgées en moyenne de 77 ans, 57 s’associaient à une pathologie qui était pour moitié une pathologie psychiatrique et dans un quart des cas une pathologie neurodégénérative. Les pathologies psychiatriques observées dans les syndromes de Diogène secondaires, explique le Dr Laurence Hugonot-Diener (psychogériatre, hôpital Broca, Paris) sont le plus souvent un trouble schizophrénique ou bipolaire, plus rarement une oligophrénie ou un alcoolisme. Les pathologies neurodégénératives sont soit une démence de type fronto-temporale, soit une maladie d’Alzheimer.
Paradis perdu.
Lorsqu’aucune maladie n’est identifiée, et sous réserve qu’elle ne se déclare pas secondairement, le syndrome de Diogène est dit primaire. Ce syndrome, ce mode de vie, a existé de tous temps et dans tous les pays. Pour l’expliquer, le Dr Jean-Claude Monfort (psychogériatre, hôpital Sainte Anne) avance l’hypothèse du « paradis perdu », d’un « traumatisme survenu dès l’enfance, entraînant le passage du paradis à l’enfer ». Brutalement, l’enfant ne trouve plus personne pour assurer ses besoins. Certains ont recours à des personnes relais, des tuteurs de résilience. D’autres, pour survivre, devront s’adapter et renoncer à l’idée qu’autrui pourra les aider ; ils apprennent à ne rien demander et développent une « misanthropie de survie ». Un comportement qui leur a été utile face à une nécessité de survie dans la petite enfance mais qu’ils ne peuvent plus désactiver ensuite.
C’est parfois durant la vie étudiante que le syndrome de Diogène se manifeste, observe le Dr Iona Atger (pédopsychiatre, clinique Dupré, Sceaux). En dehors de ceux secondaires à une pathologie, ces Diogène concernent habituellement des étudiants en situation d’isolement familial et social extrêmes. Ce sont le plus souvent des « Diogène éphémères » qui semblent se résoudre de façon aussi surprenante qu’ils sont apparus. Peut-être sont-ils une manière de passer à l’âge adulte. Peut-être aussi le capharnaüm des chambres d’adolescents qui ne manque pas d’inquiéter les parents correspond-il également à un Diogène éphémère.
La conduite à tenir face au syndrome de Diogène, en dehors du traitement d’une pathologie sous jacente, oscille entre l’attentisme par respect de la liberté individuelle et une attitude interventionniste au nom des risques pour la sécurité publique et ceux de la non-assistance à personne en danger. « Entre les deux, propose J-C. Montfort, il y a l’alternative d’établir un lien avec la personne pour tenter d’apaiser sa souffrance, car il n’y a jamais de plaisir à être diogène, et lui permettre de faire son propre choix. »
Colloque « Les personnes vivant comme Diogène. Comprendre et accompagner » organisé par l’AFAR (Action formation Animation recherche) www.afar.fr.
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