Malgré les préoccupations légitimes liées à la crise sanitaire, les mesures « urgentes » nécessaires à la lutte contre le changement climatique et la destruction de la nature ne peuvent pas « attendre que la pandémie passe », mettent en garde les rédacteurs en chef d’une vingtaine de revues médicales mondiales*, dans un éditorial commun.
À l’approche de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre et de la conférence sur le climat (COP26) à Glasgow en novembre, ces acteurs de la santé demandent « des comptes » aux gouvernements de la planète, jugeant que « la plus grande menace pour la santé publique mondiale est l'échec persistant des dirigeants mondiaux à limiter la hausse de la température mondiale en dessous de 1,5 °C et à restaurer la nature ».
« En tant que praticiens de la médecine et spécialistes de la santé publique, nous avons l’obligation non seulement d’anticiper les nouveaux besoins en matière de santé, mais également de participer activement à limiter les causes de la crise climatique », explique le Dr Eric Rubin, rédacteur en chef de la revue « The New England Journal of Medicine » et coauteur de l’éditorial, dans un communiqué. « La communauté médicale doit davantage élever sa voix critique et tenir les dirigeants politiques responsables de leurs actions pour limiter la hausse de la température mondiale en dessous de 1,5 °C », ajoute dans un communiqué le Dr Richard Horton, rédacteur en chef de « The Lancet », également coauteur.
Des conséquences déjà perceptibles
Selon l’éditorial publié dans plus de 200 journaux médicaux, les conséquences du changement climatique (+1,1 °C environ depuis l'ère pré-industrielle) sont déjà perceptibles sur la santé et sont étayées « sans équivoque » par les scientifiques. Des « températures plus élevées ont entraîné une augmentation des cas de déshydratation, de déficience rénale, de tumeurs dermatologiques malignes, d’infections tropicales, de problèmes de santé mentale, de complications de grossesse, d’allergies, et de morbidité cardiovasculaire et pulmonaire », énumèrent les auteurs.
« Le rapport du GIEC montre que chaque fraction de degré de réchauffement met en péril notre santé et notre avenir. Inversement, chaque mesure prise pour limiter les émissions et le réchauffement nous rapproche d’un avenir plus sain et plus sûr », a réagi le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cité dans un communiqué.
Ces effets sanitaires affectent « de manière disproportionnée les plus vulnérables, notamment les enfants, les populations plus âgées, les minorités ethniques, les communautés les plus pauvres et les personnes ayant des comorbidités », poursuivent les auteurs, pointant que ceux « qui ont le moins contribué au problème » sont « le moins en mesure d'en atténuer les dommages » (conflits, insécurité alimentaire, déplacements forcés et zoonoses).
Face à cette « crise environnementale globale », les objectifs mondiaux, bien qu’« encourageants », ne suffisent pas et « doivent encore être assortis de plans crédibles » mais aussi intégrer des « considérations de santé ». Dans une logique d’équité, les pays riches doivent agir « beaucoup plus » et « beaucoup plus vite », estiment encore les auteurs, proposant une contribution des États à la réponse mondiale « à une juste part », selon leur responsabilité « cumulative et historique » aux émissions et leur capacité à réagir.
L’urgence d’un changement de cap
Inverser la tendance demande ainsi « des changements fondamentaux », selon les auteurs qui plaident pour une « refonte des systèmes de transport, des villes, de la production et de la distribution de nourriture, des marchés pour les investissements financiers, des systèmes de santé et bien plus encore ».
Après les efforts financiers « sans précédent » réalisés en réponse au Covid-19, « la crise environnementale exige une réponse d'urgence similaire », soulignent les auteurs, escomptant des effets positifs : « Une meilleure qualité de l’air permettrait à elle seule d’obtenir des améliorations pour la santé qui compensent facilement le coût global de la réduction des émissions.»
« Les exemples récents d’événements météorologiques extrêmes sur toute la planète montrent clairement la réalité de ce qu’est le changement climatique. Nous devons agir maintenant, ou il sera trop tard », alerte le Pr Peush Sahni, rédacteur en chef du « National Medical Journal of India » et également coauteur de l’éditorial.
* Les rédacteurs en chef de dix-huit revues (dont PLOS Medicine, BMJ, The Lancet, NEJM) ont rédigé cet éditorial publié dans plus de 200 journaux médicaux.
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