POUR GEORGES HADDAD, le travail de Gille Wainrib entre dans le cadre général d’une réflexion sur les limites des statistiques, dans le domaine de la santé mais aussi de l’économie : « Les statistiques sont très utiles mais elles sont réductrices car elles ne prennent jamais toutes les données sur l’hérédité, le passé, les évolutions des individus. En un mot pour appréhender mieux la réalité d’un risque, il faut une démarche inter et pluridisciplinaire, prenant en compte les dimensions humanistes et dynamiques. »
Le constat s’applique tout particulièrement aux études cas-témoins, comme le montre l’analyse de Gilles Wainrib des études publiées sur certains risques alimentaires (cancer en particulier), liés à la consommation de viande rouge, de sucre, d’édulcorants type aspartame, de métaux lourds alimentaires.
On constate que contrairement à ce que l’on observe avec le tabac et l’alcool - dont la nocivité a pu être établie avec certitude - de nombreuses études, y compris celles qui ont été très médiatisées, aboutissant à un risque qui est compris dans la marge normale d’erreur (± 5 % en fonction des variables). On sait en effet que de nombreuses variables sont susceptibles de modifier les résultats dans l’un ou l’autre groupe (consommation d’alcool et de tabac, par exemple). À cela s’ajoutent, dans de nombreux cas, des biais méthodologiques.
Amalgames trompeurs.
Le problème est que toutes ces études sont présentées au public sans analyse critique, ce qui engendre une désinformation. Or, comme le montre Gilles Wainrib, dans certains cas, le risque relatif est inférieur à 0,9, c’est-à-dire que le risque est moins élevé dans la population exposée (pour le cancer du sein c’est le cas pour le fromage blanc et l’aspartame et pour le cancer de l’ovaire pour l’aspartame). Dans d’autres cas, le risque est équivalent dans les deux groupes (gliome et accouchement prématuré pour l’aspartame avec un RR compris entre 0,9 et 1,1. Enfin, le risque est plus élevé (› 1,1) chez les sujets exposés aux métaux lourds (cancers du sein et de l’estomac) ou consommant beaucoup de viandes (cancers colorectal et pancréatique).
Mais même dans ces derniers cas, les résultats peuvent ne pas être significatifs. Tout cela, les spécialistes le savent mais le public ne le sait pas, ce qui le conduit à s’inquiéter à tort. On entend que le sucre, l’aspartame, la viande ou le lait sont dangereux d’où un doute généralisé et la confusion.
« Il est urgent de remettre les pendules à l’heure car il est maintenant prouvé que la croyance aveugle en des données statistiques mal présentées ne sert absolument pas la santé publique, conclut G. Haddad. Profitons-en pour promouvoir une approche pluridisciplinaire et dynamique du risque, en n’oubliant pas que la statistique ne peut tout expliquer, même quand elle est bien faite et interprétée. »
(1) Maître de conférences en mathématiques et statistiques
(2) Directeur Education Research and Foresight Team, Unesco.
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