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Pourquoi restreindre l'innovation dans le dépistage de la tuberculose ?

Publié le 15/12/2016
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Les professionnels de santé en appellent au gouvernement.

Les tests IGRA, une innovation dans le diagnostic ce l'ITL

Considérée à tort comme une maladie du passé, la tuberculose demeure une préoccupation sanitaire de premier ordre. Avec environ 5 000 nouveaux cas chaque année en France, on estime qu'elle est à l'origine de près de 700 décès par an. Certains territoires, comme la Seine-Saint-Denis, sont particulièrement impactés.

La lutte contre la tuberculose ne peut être efficace sans la mise à disposition des meilleurs outils de diagnostic de l’ITL (1). Ainsi, la prise en charge de l’ITL dans les groupes à haut risque constitue une priorité de la stratégie d’élimination de la tuberculose de l’OMS, pour les pays où son incidence est faible, comme la France. De plus, considérant que depuis 2007 la vaccination BCG n’est plus obligatoire dans notre pays, la lutte contre la tuberculose nécessite les tests de dépistage les plus performants. Actuellement pour dépister les ITL, seuls les tests d’ancienne génération, dits « IDR », sont remboursés. Introduits en France en 1907, ils ne sont plus considérés par la communauté scientifique comme les meilleurs outils de diagnostic.

En effet, les tests IGRA (γ-interféron), de nouvelle génération, ont été reconnus par les autorités comme étant plus performants. Alors que l’IDR se positive après une vaccination par le BCG dans la plupart des cas, les tests IGRA garantissent un juste diagnostic. Par ailleurs, ils permettent de diminuer le taux de faux négatifs. Ils ne nécessitent pas de deuxième consultation pour la lecture du résultat. Enfin, ils possèdent une meilleure traçabilité et sont standardisés.

Ainsi, la Haute Autorité de Santé a émis un avis favorable quant à leur inscription sur la liste des actes remboursables dans des indications précises. Dès 2015, elle recommandait par exemple leur utilisation pour les patients infectés par le VIH ou pour les enfants migrants de moins de 15 ans en provenance d’une zone de forte endémie.

Le non-accès au remboursement des tests IGRA : un fardeau sociétal, sanitaire et économique

Un fardeau sociétal, car bien que la prévalence de la tuberculose soit plus élevée parmi les publics précaires, aucune catégorie de la population n’est épargnée. Si les tests IGRA sont utilisés dans les centres de lutte anti tuberculose et en médecine du travail afin de dépister les infections récentes ou surveiller les professionnels potentiellement exposés, ils ne sont aujourd’hui pas prescrits par les médecins de ville, faute d’être remboursés.

Un non-sens sanitaire, car c’est un frein considérable à l’extension d’une stratégie de dépistage de grande ampleur et efficace de la tuberculose dans les populations à risque.

Un mauvais calcul économique, car un mauvais diagnostic, plus fréquent avec l’utilisation des tests IDR, peut entraîner des dépenses supplémentaires.

Pour l'accès au remboursement des tests IGRA

Face à ce défi sanitaire, Marisol Touraine soutenait dès son arrivée au Ministère, que le gouvernement devait faire en sorte que l’accès aux soins, l’accompagnement et la prévention soient renforcés. Un tel renforcement ne peut se passer d’instruments de dépistage performants. Au regard des enjeux sanitaires, nous appelons la Ministre de la Santé à remédier à cette situation dommageable en inscrivant d’office les tests IGRA sur la liste des prestations remboursables, comme la loi l’autorise. Cette situation ne doit plus être le symbole des difficultés organisationnelles qui affectent notre système de santé.

* Le Pr Elisabeth Bouvet est spécialiste des maladies infectieuses et tropicales à l’Hôpital Bichat
(1) Après un contact infectant, le bacille de Koch, bactérie responsable de la tuberculose, peut rester silencieux sans provoquer la maladie : on parle alors d’infection tuberculeuse latente (ITL).

Par le Pr Elisabeth Bouvet*

Source : Le Quotidien du médecin: 9543