LE 16 NOVEMBRE 2010, le « repas gastronomique des Français » était inscrit par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Jean-Robert Pitte, qui, en tant que président de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires, a conduit la candidature de la France, a tenu à souligner la distinction entre « repas » et « gastronomie ». « Le repas, reflet de notre culture alimentaire, n’implique pas seulement ce que l’on mange mais tout le rituel qui le compose : le choix des produits, l’élaboration des mets, le placement, l’art de la table et enfin le discours qui se greffe sur ce rituel. » Un rituel d’une richesse incontestable, et qui doit continuer de se transmettre.
Claude Fischler, directeur de recherche au CNRS et directeur du Centre Edgar Morin, étudie avec son équipe l’évolution des systèmes alimentaires et les fonctions sociales, symboliques et esthétiques de l’alimentation, les croyances et les représentations qui s’y attachent. Selon lui, « un accord général semble avoir été trouvé sur les faits suivants : goûter de tout, manger sainement et finir son assiette ». Ce qui pourrait expliquer la moindre prévalence de l’obésité en France. Le type alimentaire français reste avant tout commensal, ce qui signifie littéralement manger à la même table que d’autres. « Mais une commensalité conviviale, dans la mesure où l’autonomie individuelle est de plus en plus tolérée : c’est-à-dire que les résultats de nos études montrent que l’on est de plus en plus tolérant envers les régimes particuliers. »
Des bienfaits de notre culture alimentaire qui sont donc avérés, et qu’il conviendrait de partager et de transmettre, le mieux possible. Un défi. Pascal Ory, spécialiste d’histoire culturelle et professeur à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris I), explique que « la transmission de l’art du manger et du boire s’est faite pendant des siècles de manière classique : orale et concrète, et dans un cadre dédoublé : féminin pour la cuisine privée (dans les maisons) et masculin pour la cuisine publique (banquets) ». Un cadre que le monde post-moderne aurait fait voler en éclats, avec « l’invention du restaurant et de la critique gastronomique, avec la professionnalisation des métiers ou encore avec la dilution de la transmission maternelle ». De nouveaux modes et cadres de passation sont à trouver, pour ne pas perdre cet héritage culinaire.
Si la famille – et la relation mère-fille notamment – n’est plus le cadre exclusif où peut avoir lieu cette transmission de savoirs, il est nécessaire qu’un relais soit trouvé au sein d’autres instances. Pour Jean-Pierre Poulain, sociologue et président du comité d’experts de la Fondation d’entreprise Nestlé France, « la socialisation alimentaire, processus par lequel un individu apprend à manger selon les manières du groupe social auquel il appartient, se prolonge tout au long de la vie ». Ainsi, dans l’enfance, après la cellule familiale, ce sont « la crèche, la nounou, puis l’école et la cantine, et les camarades de classe qui entrent en scène. Durant l’adolescence, ce sont les restaurants du lycée, puis celui de l’université… » Autant d’étapes dans l’éducation alimentaire.
Convivialité et partage
Ajoutons également aujourd’hui l’influence des médias : de plus en plus d’émissions consacrées à la cuisine fleurissent sur nos écrans, et il n’est pas rare que des ouvrages de recettes deviennent quasiment des best-sellers. Mais si cette tendance est avérée – avec un effet de mode certain – Simone Harari, productrice de télévision, y apporte un petit bémol : « Certes, il y a de plus en plus d’émissions consacrées à la cuisine, indique-t-elle, mais sur le mode de la performance et du concours, et non de la convivialité et du partage. » Des valeurs – convivialité et partage – qu’il convient pourtant de conserver au premier plan pour que la culture culinaire française continue de se transmettre de générations en générations, sans exception. « Certaines populations apparaissent néanmoins de plus en plus fragiles sur cette question, a conclu Erik Orsenna, membre de l’Académie Française et président des Assises. Il faut désormais mettre l’accent sur les personnes précaires afin que la nourriture ne devienne pas, elle aussi, un motif d’exclusion. »
* Dans « Manger, mode d’emploi », Claude Fischler (avec Monique Nemer) fait un état des lieux des comportements alimentaires : le livre peut être téléchargé sur le site www.fondation.nestle.fr.
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