Après trente années de bons et loyaux services en tant que médecin généraliste dans la cité du Franc-Moisin (Seine-Saint-Denis), le Dr Didier Ménard va prendre sa retraite. Au grand désarroi des habitants du quartier. Samedi, à 22 heures, la chaîne Public Sénat diffuse un film documentaire porteur d’espoirs sur la relève médicale dans les banlieues.
« Ça va être dur. Tout le monde le connaît, Didier. On est habitué avec lui (…) ce n’est même plus un médecin, c’est un copain », témoigne Djamila, une patiente de longue date du Dr Didier Ménard. « Je sais que tu as besoin de ta retraite, je sais que tu as besoin du repos, mais Didier, crois-moi, tu laisseras des orphelins ici », lui confie-t-elle éplorée en fin de consultation. « Quand j’ai fini mes études de médecine, j’avais envie d’articuler ma révolte contre l’injustice. (…) Je pensais qu’on pouvait faire de la médecine avec ce savoir-faire de la vie des cités. Maintenant, il faut que les anciens puissent laisser leur place aux jeunes », déclare le Dr Ménard. Pour donner envie à de jeunes confrères de venir s’installer dans ce quartier déshérité où la charge de travail s’avère particulièrement lourde, le Dr Ménard s’est investi dans un projet de création d’un centre de santé communautaire.
Environ « 60 % des médecins de la cité, des soignants, des infirmières, des kinés vont partir à la retraite dans les 2 à 3 ans. Il fallait donc anticiper pour ne pas se retrouver sans rien pendant un certain temps », déclare-t-il. Après deux années de collecte de fonds publics et privés, le centre de santé associatif dénommé « La place santé » est inauguré. Reposant sur un concept inédit, il réunit une équipe de médecins généralistes. Dans son documentaire, « La relève », diffusé ce samedi sur la chaîne Public Sénat (à 22 heures, suivi d’un débat sur la médecine dans les banlieues), la réalisatrice Juliette Warlop s’est immiscée dans le quotidien de deux jeunes médecins généralistes, les Dr Maxime Catrice et Mathilde Andlauer (en photo), totalement séduits par cette nouvelle approche de la médecine.
Tous deux ont choisi d’exercer en salarié. Une manière de se « protéger » dans ce type de quartier où la liste quotidienne des consultations peut vite devenir interminable. « On a tous vu beaucoup de médecins de 50-60 ans en burn out. Nous, vraiment, on ne veut pas ça. Évidemment, en libéral, travailler plus pour gagner plus ça marche. Là, on est plafonné mais travailler 70 heures par semaine, moi jamais », confie le Dr Andlauer.
Qualité de travail
« Le salariat permet d’avoir un temps fixe pour les consultations, de ne pas faire moins. Moi, au bout de 20 consultations dans la journée, je sais qu’après je ne suis plus bon », indique le Dr Catrice. Pour ces jeunes médecins, les 35 heures leur permettent de s’investir ailleurs dans d’autres activités. Le Dr Andlauer exerce ainsi deux activités à temps partiel dans un centre de contraception et d’interruption de grossesse à Colombe (92) et dans une consultation précarité à l’hôpital Saint-Louis (Paris). « Je n’ai pas du tout envie de laisser tomber mes deux autres boulots. Je trouve cela très enrichissant », indique le Dr Andlauer qui entend comme ses confrères et consœurs convertir la patientèle du quartier à l’esprit de la médecine pratiquée par les jeunes générations de praticiens. À « La place santé », « l’objectif, c’est que les gens comprennent qu’on est ici tous interchangeables. On a les mêmes dossiers », souligne-t-il.
Partager ses difficultés
« Le premier truc qui compte dans ce projet. C’est de ne pas être tout seul. De travailler ensemble, de partager nos difficultés, de partager nos savoirs », considère le Dr Andlauer. « Il faut absolument que les médiatrices, les jeunes médecins, les infirmières, les kinés, lorsqu’ils font du travail collectif, lorsqu’ils organisent leur offre de soin, ne soient plus considérés comme des militants mais bien comme des professionnels qui font cela dans le cadre de leur travail », souligne le Dr Ménard. « Il faut que cela soit reconnu comme un temps professionnel. C’est une revendication juste d’être rémunéré pour faire ce que moi je faisais bénévolement pendant 30 ans. C’est la seule manière d’inscrire cette activité dans la durée », insiste-t-il.
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