Ramener la population vieillissante de patients infectés par le VIH vers la médecine de ville, c'est ce que tentent de faire plusieurs infectiologues, dont le Pr Pierre Marie Girard, chef du service de maladies infectieuses et tropicales de la pitié salpêtrière.
Pour lui, la médecine de ville doit reconquérir ces patients. « Au début de l'épidémie, il fallait un support en ville pour des patients qui allaient très mal, les généralistes se sont beaucoup impliqués, se souvient-il, les patients vont mieux et les traitements se sont simplifiés, mais ils ont été captés par l'hôpital », ce qui complique le dépistage des risques cardiovasculaires et des cancers dans cette population vieillissante. « La disponibilité et les horaires hospitaliers ne nous permettent pas d'assurer ces missions, précise le Pr Girard. De plus, les fonctions de support que nous avons mises en place sont menacées par l’organisation hospitalière actuelle car elles ne génèrent pas assez de revenus. »
Une maison médicale en secteur 1
La solution proposée par le Pr Girard : une maison médicale en secteur 1 dédiée au suivi des patients atteints d'infections de longue durée. Cette maison dont la mise en place fait partie du plan « vers Paris sans Sida » proposera de l’éducation thérapeutique, une consultation spécialisée dans les infections sexuellement transmissibles, une autre en psychologie, et des médecins chargés de la prévention de l’obésité, des cancers et de l'arrêt du tabac. Le tout sera en lien avec un service d'infectiologie, consultable pour les cas un peu particuliers.
Ce type d'initiative se heurte à la réticence de certains infectiologues qui craignent la méconnaissance des médecins généralistes. « Les infectiologues sont de bonne foi, mais c'est un mauvais prétexte : les jeunes généralistes s’y intéressent beaucoup, il leur faut juste un cadre », affirme le Pr Girard.
L'initiative mulhousienne étouffée par l'administratif
Ce n'est pas la première expérience qui tente le rapprochement ville-hôpital dans le suivi des patients infectés par le VIH. Ce fut notamment le cas du réseau coordonné entre 2005 et 2014 par le Dr Geneviève Beck-Wirth, du GHR Mulhouse Sud Alsace. En plus d’une plate-forme multidisciplinaire proposant éducation thérapeutique, consultation en psychologie et support nutritionnel, une formation était également proposée aux médecins de ville, paramédicaux et assistants sociaux.
Certains médecins ainsi formés signaient des contrats tripartites de suivi conjoint engageant patients, référents hospitaliers et médecins généralistes. « Il y avait une spirale vertueuse, explique le Dr Beck-Wirth. Nous recrutions les médecins traitants dans nos files actives, puis nous leur adressions de nouveaux patients. À la fin, 40 % de nos patients avaient un médecin généraliste bien formé. »
Cette collaboration est alors organisée en filière : les praticiens hospitaliers assurent une visite annuelle et listent les comorbidités dont les médecins généralistes doivent s’occuper. « En les formant, nous faisions des généralistes des acteurs du dépistage primaires, ce qui nous libérait du temps médical pour des patients qui ont vraiment besoin de nos compétences hospitalières », précise le Dr Beck-Wirth.
En 2014, après 218 professionnels formés, dont 80 médecins généralistes, l’initiative est arrêtée suite à l’arrêt des financements publics et face à la complexité administrative de la réforme du développement personnel continu (DPC). Les médecins du Haut-Rhin suivaient alors 500 patients séropositifs. « Nous allons tenter de remettre en place une formation en 2017 avec un organisme agréé DPC, espère le Dr Beck Wirth, mais l'environnement actuel en matière de formation continue est antagoniste de ce genre de démarche. »
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