COMMENT une entreprise de dimension planétaire a-t-elle pu se fourvoyer dans une affaire à la fois grave et rocambolesque sans prendre les précautions de langage et de démarche minimales ? L’avenir le dira peut-être. Quand Renault, c’est-à-dire son P-DG, Carlos Ghosn, a accusé les trois cadres d’espionnage économique, il n’était déjà pas difficile de voir que leurs dénégations, assorties d’offres de coopération complète avec la police et la justice, semblaient sincères. Pas parce qu’il suffit de nier pour être innocent mais parce que les trois hommes ne demandaient pas autre chose qu’une enquête impartiale dont ils étaient sûrs qu’elle les disculperait.
Livrés au déshonneur.
Mais la conviction de Renault n’a pas été ébranlée une seule seconde. Renault avait des preuves. Renault avait fait procéder à une enquête par un détective privé dont les conclusions étaient irréfutables. Pendant ce temps, les trois cadres supérieurs de l’entreprise étaient livrés aux médias, et au déshonneur. Ne voilà-t-il pas que le fameux détective, tout droit issu des Pieds-Nickelés, se cache, qu’il refuse de « révéler » ses sources, qu’il n’entend pas du tout coopérer avec les services de police ? Renault a commencé à hésiter à la fin du mois dernier et enfin, le 3 mars, le numéro deux de la firme, Patrick Pélata, reconnaissait que l’entreprise avait été probablement victime d’une « manipulation » propre à la « déstabiliser ». En d’autres termes, il ne s’agissait de couper les inexistantes branches pourries de Renault mais de plonger la firme dans une crise interne susceptible de freiner sa marche forcée vers la voiture électrique, concept dans lequel Carlos Ghosn a investi énormément d’argent et d’énergie humaine.
L’INJUSTICE FAITE AUX TROIS CADRES RESTERA IRRÉPARABLE
Il n’empêche que Renault est tombée dans le piège que lui ont tendu un ou plusieurs individus auxquels n’importe lequel des spectateurs interloqués du déroulement de l’affaire n’aurait pas accordé un sou de confiance ; qu’effectivement, la hâte avec laquelle la direction a réagi, l’absence de vérification des preuves, l’incroyable carence professionnelle des plus hauts dirigeants portent un coup sévère à la crédibilité de Renault ; et le pire, c’est qu’on a cloué au pilori trois hommes dont la loyauté et l’intégrité sont, en définitive, indiscutables.
Jeux de pouvoir.
On ne comprend pas comment cela a pu arriver, comment des hommes avec qui la direction travaillait avec une si grande confiance qu’elle leur avait attribué des fonctions primordiales, ont pu être soupçonnés sans avoir le loisir de s’expliquer ou de se défendre et sont devenus, très vite, des parias. On ne comprend pas la précipitation de Carlos Ghosn et de Patrick Pélata, sauf si on devine que, dans les jeux de pouvoir cyniques et complexes qui existent dans toutes les grandes entreprises où les ambitions entrent tous les jours en collision, des hommes, parvenus au sommet, peuvent être défaits par la seule volonté du prince suprême. C’est peut-être une déviance courante de l’époque, elle n’en est pas moins scandaleuse.
Dans un entretien, publié vendredi dernier par « le Figaro », Patrick Pélata indique que, s’il y a eu injustice, elle sera réparée. Vraiment ? De quelle manière ? On va réintégrer les trois cadres et personne ne se souviendra plus qu’ils ont été traités comme des chiens, et ils n’en garderont aucune amertume, et ils vont se dévouer à l’entreprise comme naguère ? Soyons sérieux. M. Pélata pense sans doute à de fortes indemnités. Merci pour les trois cadres. mais ils ont été calomniés et il en restera donc quelque chose. Ils ne sont pas certains de retrouver un emploi du même calibre, non parce qu’on ne croirait pas à leur innocence, mais parce que trop de publicité négative a été faite autour de leurs noms. Renault est responsable d’une injustice qui demeurera irréparable, quoi qu’en dise M. Pélata.
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