Rendu le 12 janvier, le rapport de la mission d'information parlementaire sur les sels nitrités dans l'industrie alimentaire est formel : il faut interdire la présence des additifs nitrités E249, E250, E251 et E252 dans tous les produits alimentaires, en particulier dans la charcuterie. La proposition de loi déposée en ce sens devra faire face à de nombreux lobbies, comme l'explique Richard Ramos, corapporteur et député MoDem de la 6e circonscription du Loiret.
« LE QUOTIDIEN » : À quelle échéance pensez-vous qu'il soit raisonnable de supprimer les sels nitrités de la charcuterie ?
RICHARD RAMOS : Tous les acteurs industriels disposent déjà d'une gamme de charcuterie sans sels nitrités. À ce jour, plusieurs dizaines de millions de ces tranches de jambon ont été consommées en France, sans que l'on assiste à un retour du botulisme, qui est la grande crainte agitée par certains industriels. Ce n'est pas l'utilisation des nitrates et des nitrites qui explique la baisse des cas de botulisme mais l'amélioration des conditions d'hygiène dans les abattoirs et les usines de fabrication.
Nous estimons qu'un délai de cinq ans serait raisonnable pour le jambon blanc, et de trois ans pour le jambon sec qui est déjà largement vendu et consommé sans sels de nitrite. Un fonds d'accompagnement est prévu dans la proposition de loi qui a été déposée au Parlement et qui devrait être examinée d'ici à l'automne prochain.
Votre proposition de loi a-t-elle des chances d'aboutir ? Avez-vous senti le poids des lobbies lors de votre travail ?
Je l'ai ressenti comme jamais je ne l'ai vécu. Trois agences de lobbying ont contacté sans relâche les parlementaires de la commission des affaires économiques, dont Thierry Coste (N.D.L.R : lobbyiste de la chasse impliqué dans la démission de Nicolas Hulot). Tous les industriels du secteur ont aussi été contactés pour, à leur tour, faire pression sur leurs députés.
Je tiens à dire que tous les industriels ne sont pas à blâmer, mais certains d'entre eux ont tout intérêt à ce qu'il y ait deux alimentations en France : l'une chère, sans sels nitrités, sur laquelle ils font de la marge et l'autre avec, qui permet de faire du volume.
Le rapport a été voté à l'unanimité par tous les groupes politiques. C'est donc un sujet qui fait consensus. Quand on sera dans l'hémicycle, j'ai bien conscience que certains lobbyistes vont agiter des menaces.
Dans votre rapport, vous précisez que l'interdiction des sels nitrités ne doit pas faire oublier une chose : même la charcuterie qui en est dépourvue reste cancérigène. Et vous insistez sur un travail de fond pour améliorer les comportements alimentaires. Qu'avez-vous en tête exactement ?
Il s'agit d'intervenir dans tous les textes qui touchent à l'alimentation et la santé. Par exemple, Mounir Mahjoubi travaille en ce moment sur un texte concernant la jeunesse et les cantines scolaires. Il faut se saisir de ce genre d'opportunité pour promouvoir l'éducation à l'alimentation. Aujourd'hui, 63 % des consommateurs français dépassent les recommandations de Santé publique France en matière de charcuterie, qui sont de 150 g par semaine, soit trois tranches de jambon blanc. C'est un enjeu social : les foyers modestes consomment en moyenne deux fois plus de charcuterie que ceux aisés.
Un avis de l'ANSES est prévu sur le même sujet. Qu'en attendez-vous ?
J'ai confiance en notre ministre mais je n'ai pas confiance dans l'ANSES sur ce sujet. La façon dont la saisine a été rédigée semble indiquer qu'on lui demande de se prononcer sur la dangerosité des sels nitrités en eux-mêmes, ce qui est hors sujet. Ce qui nous préoccupe est la dangerosité de la formation de nitroso-hème ferreux, né de la rencontre entre le fer de la viande et les sels nitrités.
Si l'ANSES tire des conclusions différentes des nôtres, il y aura une confrontation de nos deux rapports. Il y a assez de preuves pour justifier une intervention des pouvoirs publics. Nous avons auditionné les plus grands scientifiques, je pense que quand le Pr Axel Khan, président de la Ligue contre le cancer, ou le Pr Norbert Ifrah, président de l'INCa, demandent la fin des sels nitrités, nous devons les écouter.
Des comptes-rendus des auditions ont été publiés sur le site du « Quotidien » : ici et là.
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