L'essor récent du recours à la chirurgie pour soigner l'obésité n'est pas sans questionner l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Dans un rapport rendu public ce mercredi, elle fait ses recommandations pour mieux réguler cette pratique, contrôler la pertinence des actes et développer l'accompagnement des patients.
Plus de 50 000 opérations de chirurgie bariatrique ont lieu en France chaque année. C'est trois fois plus qu'il y a dix ans. Si cet essor peut s'expliquer par l'augmentation des besoins (7,6 millions de personnes touchées par la maladie à ce jour) et la large accessibilité de l'offre de soins, il reflète aussi selon l'IGAS un manque de régulation et une faiblesse de dispositifs alternatifs. Qui plus est, le rapport met en lumière un inégal recours à la chirurgie bariatrique selon les territoires. Preuve de l'inefficacité des centres spécialisés de l'obésité (CSO), créés par le plan obésité (2011-2013) et chargés de coordonner les acteurs sur un territoire.
Ce constat amène logiquement à questionner la pertinence des interventions. Point de vue qualité, le rapport souligne des « lacunes significatives » dans la prise en charge des patients aussi bien en amont qu'en aval de l'opération pour un niveau de suivi global jugé « pas à la hauteur des enjeux de santé publique et de sécurité sanitaire » « dans un contexte général de faible encadrement des pratiques ». La mission de l'IGAS fait dans ce sens 30 recommandations.
Tarif de consultation longue pour le médecin traitant
Dans un premier temps, elle propose de réguler l'offre en soumettant cette chirurgie « à un régime d'autorisation multicritère inspiré de celui de la chirurgie des cancers, incluant un minimum de 50 à 100 interventions par an ». Ce seuil a pour objectif de garantir une pratique opératoire suffisante à la structuration d'une équipe pluridisciplinaire efficace. Concernant les personnes mineures, « dont le nombre d'interventions est en hausse constante depuis 2009 », elle veut faire respecter les recommandations restrictives de la direction générale de l'offre de soins (DGOS, ministère) et de la Haute autorité de santé (HAS) en date de 2016 qui limitent les interventions à quelques centres spécialisés et selon des critères stricts.
En raison de la lourdeur de ce type d'intervention, le rapport entend optimiser les parcours de soins en les recentrant autour du médecin traitant vu comme « l'interlocuteur naturel et inévitable des patients opérés ». Dans cet objectif est prévu le renforcement de la formation initiale et des outils de développement professionnel continu (DPC) en matière de prise en charge de l'obésité.
L'IGAS veut aussi rendre effective l'obligation légale de transmission de courrier du médecin traitant vers l'établissement (ou le chirurgien) dans lequel le patient sera opéré et « conditionner à cette transmission le remboursement de l'opération aux praticiens » d'une part, « appliquer le tarif de consultation longue pour le médecin traitant » d'autre part.
Dans le même sens, les dispositifs d'hospitalisation de jour, de soins de suite et de réadaptation, d'éducation thérapeutique du patient ainsi que le remboursement des consultations de diététiciens et de psychologues doivent être soutenus.
Par ailleurs, l'organisation territoriale doit être repensée. Pour cela, l'IGAS propose de cartographier les ressources médicales et paramédicales pour les mettre en adéquation avec les besoins, et cela « avant fin 2018 ». Le rapport veut dans cet objectif donner une seconde vie aux CSO en leur attribuant le statut de groupement de coopération sanitaire de moyens (GCSM) et en leur octroyant les ressources nécessaires à leur bon fonctionnement. La collaboration avec les agences régionales de santé doit également être renforcée. Pour cela, il est recommandé de faire de la prise en charge de l'obésité et de la régulation du recours à la chirurgie bariatrique « un axe fort » des projets régionaux de santé.
Tout cela doit enfin s'accompagner d'une « politique générale de prise en charge » passant notamment par la reconnaissance de l'obésité sévère et morbide comme maladie chronique. En parallèle, le développement de la recherche clinique et épidémiologique doit permettre d'étudier des alternatives crédibles à la chirurgie bariatrique.
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