Les médecins, des cœurs (courus) à prendre ?

Sur le marché de l'âme sœur, l’image de marque de la profession n’est plus ce qu’elle était

Publié le 05/01/2015
Article réservé aux abonnés

« Cinquante ans, Médecin libéral, silhouette svelte, cheveux gris flous, distingué, style sportsman… », « médecin divorcé, 65 ans, grand distingué, les yeux bleu », « médecin nutritionniste de 49 ans, divorcé, cheveux châtains, style à mi chemin entre classique et moderne, actuel, une assurance qui filtre au premier contact… » Les profils médicaux caracolent toujours dans les promos des agences qui se positionnent dans la clientèle « haut de gamme ».

Des cabinets de luxe, comme Berkeley international, qui ont pignon dans les principales capitales européennes, prospèrent sur ce créneau avec des honoraires à cinq chiffres. Parmi les chefs d’entreprise, directeurs de société, diplomates et autres éditeurs, généralistes comme spécialistes, « ils sont des clients très intéressants pour nous et pour nos clientes elles-mêmes, assure le directeur d’Unicis, « agence créatrice de bonheur », Philippe Fruit. Ils cumulent les atouts : études supérieures, réussite sociale et souci de l’humain et de la relation. Les médecins qui nous consultent trouvent en général l’âme sœur en moins de six mois. Même s’ils sont souvent exigeants, moins cependant que les femmes médecins. »

« C’est vrai, constate Véronique Crowe (Fidelio 92), ils fixent des critères élevés pour leur sélection : niveau d’étude, atouts physiques, âge. Mais ils font partie de notre vitrine, ce sont des CSP ++, ils savent qu’ils exercent un attrait indéniable sur nos clientes. Et sur nos clients. Les deux dossiers de femmes médecins que je viens de constituer suscitent beaucoup de demandes. »

« Les derniers à se croire privilégiés pour faire des rencontres »

Mais toutes les agences ne s’accordent pas sur la pertinence de l’argument médical. « Cela fait plusieurs années qu’il a cessé d’être recherché », affirme Mme Saldjian, qui dirige l’agence Monceau-Saint-Honoré (Paris 8e). Sans fournir plus de détails. « Les médecins sont les derniers à croire qu’ils ont un statut social qui les privilégie pour faire des rencontres, note Pierrick Degrémont, directeur de Stop Solitudes (près d’Evreux, dans l’Eure). Mais c’est fini depuis une bonne dizaine d’années, de même que le prestige de l’uniforme, qui a cessé de produire ses effets dans le public féminin. En fait, les médecins sont souvent considérés comme de grands enfants peu aptes à la vie concrète, incapables de planter un clou. Nous évitons désormais de mettre en avant la profession de médecin, nous préférons évoquer le milieu médical, ou parler de profession libérale. »

Une image ambivalente

À Paris, la gérante de « Plein Soleil », en fonction depuis 25 ans, observe le même reflux dans l’engouement suscité par les médecins : « Nos clientes sont partagées, elles jugent que la profession a pu être dénaturée par certains et elles demandent à voir. On ne peut plus parler d’un bonus médical dans nos fichiers. Même si l’image sociale des médecins garde son indéniable standing, elle est devenue ambivalente. »

Et les médecins eux-mêmes, qu’en disent-ils ? Aucune des agences sollicitées par « le Quotidien » n’a accepté de communiquer les coordonnées d’un praticien utilisateur de leurs services, se retranchant derrière le secret professionnel. Mais, selon Philippe Fruit, les praticiens seraient toujours nombreux à recourir aux prestations des agences spécialisées : « Après un divorce, ces professionnels n’ont pas beaucoup de temps à consacrer à leur recherche, alors qu’ils vivent difficilement une situation de solitude affective. Après s’être parfois essayés aux sites de rencontres sur internet, ils sont fatigués des contacts d’un soir et ils poussent la porte de nos agences. »

La toile cependant propose des adresses dédiées au corps médical en manque d’amour : Amour-medecin.com propose ainsi des « rencontres juste pour un soir ou pour toute la vie ». « Le paradis de la rencontre médecin » héberge aussi « Medecin sexy ». « Que vous soyez médecin libéral ou hospitalier, généraliste ou spécialiste, trouvez maintenant un conjoint qui partagera les mêmes centres d’intéret et les memes valeurs que vous. » Tchat, webcam, speedflirt sont proposés aux médecins par les grands sites de rencontre tout public (e.darling, meet crunch, meetic et autres be2...) avec des déclinaisons spécial médecins, pharmaciens et professionnels de santé. Les annonces les plus diverses y fleurissent pour « rencontrer en 30’ l’âme sœur médecin ». Telle celle d’« Aninato, femme médecin de 18 ans (sic),[qui] ch. rencontre amicale pour vivre ce que tout le monde aime ».

Christian Delahaye

Source : Le Quotidien du Médecin: 9301