Article réservé aux abonnés
Dossier

Vivre et vieillir quand on est séropositif

VIH : les progrès thérapeutiques ont révolutionné la survie des patients

Par Charlène Catalifaud - Publié le 29/11/2018
VIH : les progrès thérapeutiques ont révolutionné la survie des patients

foule
PHANIE

L'arrivée de la trithérapie en 1996 a révolutionné la vie des personnes infectées par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). « Elle a transformé une maladie mortelle en une maladie chronique », indique le Dr Clotilde Allavena, infectiologue au CHU de Nantes. À tel point que l'espérance de vie des patients vivant avec le VIH serait quasi équivalente à celle de la population générale. Une assertion à nuancer toutefois.

Les patients dont l'espérance de vie est proche de celle des personnes non infectées sont majoritairement jeunes et ont bénéficié d'un traitement efficace précocement.

Pour le Pr Gilles Pialoux, infectiologue à l'hôpital Tenon (AP-HP), une étude parue dans « The Lancet HIV » en 2017 et menée auprès de plus de 18 cohortes européennes et nord-américaines fait référence (1). Elle montre qu'entre 1996 et 2010, l'espérance de vie des patients de 20 ans débutant un traitement antirétroviral a augmenté d'environ 9 ans chez les femmes et de 10 ans chez les hommes. En outre, les patients qui ont commencé un traitement antirétroviral entre 2008 et 2010 et dont le nombre de cellules CD4 dépasse 350 cellules/μL un an après le début du traitement ont une espérance de vie proche de celle de la population générale.

En 2014, une étude dans « Current Opinion in HIV and AIDS » indiquait déjà que le risque de décès n'était pas plus élevé chez les patients VIH dont le taux de CD4 est restauré par les traitements (2).

Une tolérance excellente

« Aujourd'hui, nous disposons d'une panoplie très large d'antirétroviraux dont l'efficacité est maximale, puisque la charge virale des patients sous traitement est indétectable », estime le Dr Allavena.

« La nouvelle génération de médicaments présente un profil de tolérance excellent, qui n'a plus rien à voir avec les premiers antirétroviraux », souligne l'infectiologue. « Cette moindre toxicité a permis de gagner en survie », ajoute le Pr Pialoux. Tout comme la prise d'un seul comprimé par jour qui facilite l'observance.

Le dépistage, plus précoce, favorise également la survie, un traitement précoce étant associé à un meilleur pronostic. « Le risque de transmission est en outre diminué », précise le Pr Pialoux.

Les diagnostics tardifs sont en baisse, mais demeurent non négligeables. Selon le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » du 27 novembre, les plus de 50 ans sont par exemple 38 % à découvrir leur séropositivité à un stade avancé en 2016 (contre 44 % en 2008).

Si l'espérance de vie augmente chez les patients sous traitement, leur qualité de vie n'égale pas celle de la population générale. Notamment, « les personnes vivant avec le VIH ont davantage de comorbidités que les personnes non infectées », souligne le Dr Allavena.

« Les comorbidités sont induites par le VIH lui-même ou par les facteurs individuels », souligne le Pr Pialoux. Or, les personnes vivant avec le VIH fument notamment davantage que la population générale et ont des situations socio-économiques plus précaires. Selon le Dr Allavena et le Pr Pialoux, ce sont surtout ces différences en termes de conditions de vie qui expliquent que l'espérance de vie des patients VIH n'est pas tout à fait équivalente à celle de la population générale.

Vivre mieux avec le VIH

« Un des enjeux de la recherche est maintenant de faire en sorte que les patients vivent mieux avec le VIH. Cela passe par la simplification des traitements, la prévention des comorbidités et l'amélioration de la qualité de vie », considère le Pr François Dabis, directeur de l'ANRS (France Recherche Nord &Sud Sida-HIV Hépatites).

Plusieurs nouvelles options sont envisagées. « Les traitements à longue durée d'action sous la forme d'un traitement injectable à utiliser une fois par mois sont étudiés », souligne le Pr Dabis, précisant qu'aucune équipe française ne travaille sur ce sujet.

À l'ANRS, deux essais de phase 3, dont les résultats sont attendus pour 2019, sont en cours. L'essai QUATUOR compare l'efficacité de la prise du traitement 4 jours/7 à la prise quotidienne standard. « Le critère principal porte sur la réponse virologique à 48 semaines de suivi », détaille le Pr Dabis.

Le second essai, OPTIPRIM 2, va évaluer l'intérêt de la mise en place d'un traitement en primo-infection, alors que les recommandations incitent depuis 2015 à traiter les patients le plus tôt possible, quel que soit leur profil. « Nous souhaitons étudier le bénéfice éventuel sur la quantité de virus résiduelle que l'on retrouve dans les réservoirs », explique le Pr Dabis, suggérant à demi-mot l'espoir d'une rémission.

Parvenir à une telle efficacité n'est envisageable que si le dépistage est précoce. « Tous ces progrès ne doivent pas faire oublier tout le travail qu'il reste à faire, notamment en termes de prévention et de dépistage », rappelle le Pr Pialoux.

 

(1) The Antiretroviral Therapy Cohort Collaboration Lancet HIV, DOI:https://doi.org/10.1016/S2352-3018(17)30066-8, 2017 

(2) D. Costagliola, Current Opinion in HIV and AIDS, Vol 9, 2014.

Charlène Catalifaud