28 médicaments en vente libre « à proscrire », selon une revue, colère des industriels

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Publié le 03/12/2015

Crédit photo : S TOUBON

« Pas besoin d’un marteau pour écraser une mouche ! », assure ce jeudi la revue « 60 Millions de consommateurs ». Dans un hors-série déjà disponible en kiosque, elle passe en revue 61 médicaments à prescription médicale facultative, parmi les plus vendus. L’enquête, menée sous le contrôle du Pr Jean-Paul Giroud, pharmacologue clinicien, membre de l’Académie de médecine, et d’Hélène Berthelot, pharmacienne et experte auprès de la HAS, a de quoi déconcerter, bon nombre des produits étudiés étant jugés inefficaces, voire dangereux.

Rhume, mal de gorge, troubles intestinaux...

Selon le magazine, 28 de ces médicaments sont « à proscrire », en raison d’une balance bénéfice/risque défavorable en automédication. 20 autres médicaments sont classés « faute de mieux », du fait d’une efficacité faible ou non prouvée, mais couplée à des effets indésirables peu nombreux. Seuls 13 produits obtiennent le label « à privilégier ». « Certains produits contiennent des substances qu’on ne devrait tout simplement pas associer », prévient Jean-Paul Giroud.

La revue se défend de toute attitude anti-médicament. « Nous sommes favorables à l’automédication et à la prise en main par chacun de sa santé, insiste Thomas Laurenceau, son rédacteur en chef, mais l’automédication suppose une bonne information du consommateur, et des produits irréprochables ».

Sur les 61 médicaments analysés, seuls Clarix toux sèche, Humex adultes toux sèche, Atuxane toux sèche, Vicks Vaporub, Imodiumcaps, Gaviscon menthe, Maalox sans sucre, Tussidane, Forlax 10 g, Psyllium Langlebert, Essence algérienne, Calyptol inhalant, Perubore Inhalation sont jugés efficaces et sans risque pour le patient. Les 48 autres seraient peu efficaces, voire déconseillés.

Faute de mieux

Actifed Rhume Jour & Nuit ? Les deux experts affirment que « derrière le concept marketing, l’association paracétamol-pseudoéphédrine-diphénhydramine décuple les risques, déjà nombreux d’accidents cardio-vasculaires, neurologiques ou psychiatriques ». Rhinadvil Rhume ibuprofène et pseudoéphédrine n’est pas mieux loti : « Une liste à rallonge de contre-indications, d’effets indésirables et d’additifs indésirables (dont les parahydroxybenzoates) fait que ce médicament ne peut qu’être formellement déconseillé pour un simple rhume », peut-on lire.

Pérubore Inhalation tire son épingle du jeu. « Comme toute inhalation, commentent les experts, cette alliance d’huiles essentielles de thym, de romarin et de lavande pourra soulager les symptômes du rhume et faciliter la respiration (...). » Quant au Coryzalia, il obtient la mention « faute de mieux ». « Même si l’efficacité de cette spécialité n’est pas démontrée chez l’homme dans des essais cliniques, estiment les experts, ce produit conviendra aux personnes cherchant des médicaments alternatifs, sans effets indésirables ».

En cas de diarrhée, assènent les deux experts, mieux vaut compter sur l’Imodiumcaps (« ce ralentisseur du transit a un bon rapport efficacité/tolérance ») que sur l’Ercéfuryl (« mauvais rapport efficacité/tolérance, déremboursé en 2008 pour SMR insuffisant »).

60 Millions de consommateurs milite pour que certains de ces médicaments nécessitent une prescription, et que d’autres soient « tout simplement retirés du marché ».

Attaque opportuniste et injustifiée

L’AFIPA (qui rassemble les industriels de l’automédication) a vivement réagi, exprimant la colère du secteur.

Dans un communiqué, l’association dénonce « une attaque opportuniste et injustifiée », et rappelle que ces médicaments disposent tous d’une autorisation de mise sur le marché. « Autrement dit, rappelle-t-elle, ces spécialités ont un bénéfice/risque favorable, elles ont prouvé leur efficacité et font l’objet d’un suivi de pharmacovigilance par l’ANSM. »

Pire, ces informations « partiales et erronées » trompent les patients et « nourrissent des peurs injustifiées » sur les produits de santé. L’AFIPA va plus loin, estimant que cette étude constitue un danger en matière de santé publique « en favorisant le développement d’idées fausses ».

Sur la forme, l’association brocarde l’étude. Elle s’étonne que « la méthodologie amenant le magazine à formuler des conclusions aussi radicales ne soit pas détaillée, et ce particulièrement pour une organisation prônant la transparence et l’impartialité ».

Henri de Saint Roman

Source : lequotidiendumedecin.fr