E N reconnaissant qu'elle a « commis des erreurs » dans la gestion de la crise de la vache folle qui secoue l'Allemagne depuis décembre, Andrea Fischer a payé de sa démission les hésitations et les contradictions du gouvernement dans ce dossier, que ce soit en matière de surveillance et de rappel de produits à risque.
Alors que l'Allemagne se croyait, jusqu'en novembre, immunisée vis-à-vis du risque d'ESB, les premiers cas décelés ont très vite déstabilisé les responsables de la sécurité alimentaire, Mme Fischer, et son collègue à l'Agriculture, le social-démocrate Karl-Heinz Funke, qui ont été les premiers à tirer les conséquences de la crise. M. Funke sera remplacé par une autre ministre verte, Renate Künast, chargée non seulement de l'Agriculture, mais aussi de la « protection des consommateurs », tâche jusque-là dévolue au ministère de la Santé.
Au-delà de l'affaire de l'ESB, le départ de Mme Fischer pourrait réchauffer les relations entre les professionnels de santé et leur ministère de tutelle, car, dès sa nomination, la bouillante ex-ministre, cadette du gouvernement Schröder, s'est attiré l'hostilité des médecins, qui, depuis des mois, descendent régulièrement dans la rue pour dénoncer sa politique de « pénurie » et les risques qu'elle fait courir, selon eux, à la santé de la population.
En 1999, en effet, Mme Fischer a mis en place une politique d'encadrement des dépenses par des budgets globaux extrêmement stricts, le tout dans un climat permanent de tension avec les médecins, qui, très vite, ont dénoncé son « manque de compétence » et réclamé à plusieurs reprises sa démission.
Même si les projets les plus « verts » de Mme Fischer - qui rêvait par exemple de promouvoir les médecines parallèles - ont vite été abandonnés par simple réalisme, nombre de ses déclarations ou de ses actions ont aggravé les conflits entre la ministre et la plupart des professionnels de santé ; il est vrai qu'ils n'ont pas été tendres avec elle, dans leurs propos et dans les slogans et les caricatures souvent féroces diffusés par les syndicats médicaux. Conflictuel et controversé, le passage de Mme Fischer à la Santé n'aura pas été sans rappeler celui du communiste Jack Ralite en France, après 1981, et, comme les médecins français de l'époque, les praticiens allemands souhaitent aujourd'hui que ce changement de portefeuille leur permettent de naviguer dans des eaux moins agitéees.
Une social-démocrate compétente
Le retour à la Santé d'une ministre sociale-démocrate marquera donc la fin d'une expérience particulièrement mal vécue par les médecins, même s'il ne se traduit pas par une rapide modification de la politique de santé. Agée de 51 ans, institutrice de formation et fidèle du parti de Gerhard Schröder, Ulla Schmidt est tout le contraire de son prédécesseur. Parlementaire spécialisée depuis des années dans le domaine des affaires sociales, en particulier les retraites et la condition féminine, elle fait partie des experts du SPD dans ce secteur. Appréciée pour ses compétences, y compris par l'opposition, elle a même gagné l'estime de l'ancien ministre de la Santé d'Helmut Kohl, Horst Seehofer, qui a récemment suggéré au gouvernement de lui confier le portefeuille des Affaires sociales. « Honnête et travailleuse », selon le monde politique, elle devra d'abord recoller les morceaux du système. Andrea Fischer et les médecins, depuis 1998, ont en effet « cassé beaucoup de vaisselle » qu'il importe maintenant de remplacer.
Des colères et des gaffes
Parfaitement inconnue du grand public lorsqu'elle fut nommée, à 38 ans, ministre de la Santé du gouvernement Schröder, le « volcan » Andrea Fischer aura eu le plus grand mal à nager dans le « bassin de requins », comme elle a surnommé aimablement le monde de la santé quelque temps après son arrivée au pouvoir.
Jugée tout à la fois autoritaire, peu compétente et gaffeuse, elle s'est empressée de choquer les médecins en les accusant de prescrire « mal et trop cher », puis s'est aliéné les caisses d'assurance-maladie, les dentistes et les pharmaciens au fil de ses projets et de ses déclarations.
Auteur d'une ambitieuse réforme de la santé - qui encadrait notamment toutes les dépenses dans des enveloppes très strictes et renforçaient les sanctions contre les médecins -, elle a failli déjà, à la fin de 1999, perdre son portefeuille parce que ses services avaient oublié de transmettre 20 pages du texte au Parlement, qui a donc voté une réforme amputée de plusieurs paragraphes.
Au même moment, alors que des dizaines de milliers de professionnels de santé défilaient dans les rues contre sa politique, elle a déclaré « n'avoir absolument rien à dire aux médecins », ce qui a obligé le chancelier Schröder à intervenir dans le débat pour tenter de restaurer le dialogue avec le corps médical. Glacialement accueillie, et souvent sifflée, lors des congrès de médecins auxquels elle devait participer en tant que ministre, Andrea Fischer a fait l'unanimité des professionnels de santé contre elle, même si elle a cherché, ces derniers mois, à se montrer un peu plus à leur écoute. En définitive, c'est la vache folle, et non les « requins », qui provoque sa chute, mais personne ne regrettera vraiment ses colères et ses éclats de voix.
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