Après la loi de 2004

Publié le 18/11/2010
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EDITORIAL

Quelle place pour l’enfant dans la prochaine loi de santé publique?DEPUIS 50 ANS l’évolution de la médecine et les mutations sociétales ont eu certes pour conséquence des progrès considérables, mais aussi une stagnation et même une régression dans les domaines non sanitaires du champ de la santé, avec un risque de dérives : excès de technicité aux dépens de l’humanité, dérive économique, dérive médiatique, déficit de solidarité. Le développement de l’enfant, par définition vulnérable, puis le bien-être de l’adulte, dépendent, non seulement de son état de santé physique, mais aussi de son environnement socio-familial et éducatif relevant d’acteurs multiples, trop souvent cloisonnés et insuffisamment formés ou soutenus dans leur rôle de parents, de médecins, d’enseignants, de travailleurs sociaux.

La reconnaissance des nouvelles problématiques de santé et de société et leur prise en charge par les acteurs précités doivent impérativement conduire à une réflexion nationale et régionale sur les objectifs de la prochaine loi de Santé Publique, à la lumière de l’évaluation récente (avril 2010) de la Loi du 9 août 2004 et des recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique. À noter que seuls 56 objectifs sur 100 sont considérés comme évaluables dans la loi de 2004. En ce qui concerne la santé de l’enfant, seuls trois objectifs ont pu être évalués (maltraitance, troubles du langage, atteintes sensorielles) ; la mortalité par accidents de la vie courante n’a pas atteint le niveau requis et seule, la réduction des caries, a été obtenue à 12 ans, mais pas dans toutes les catégories sociales. Le décès par suicide chez l’adolescent a peu diminué ; l’obésité s’est stabilisée, là aussi avec des différences selon le niveau socio-économique. On peut ajouter les constats récents, aggravés certes par la crise économique, mais traduisant le non-respect des droits de l’enfant : inégalité d’accès à la santé, aux soins, aux dépistages et à une prise en charge adaptée aux situations de handicap et de maladie chronique, sans parler des accidents, des jeux dangereux, de la maltraitance, de l’absentéisme et des difficultés scolaires, des troubles de la santé mentale…

Dans le cadre de la Commission Nationale de la Naissance et de la Santé de l’Enfant et de l’Adolescent, récemment créée, on peut espérer qu’une réflexion interministérielle soit ciblée sur leur santé et que la prochaine Loi de Santé Publique prenne en compte les constats passés et présents en définissant des critères d’évaluation applicables. Ceci impose de disposer de données épidémiologiques précises, d’un état des lieux de l’offre de soins par rapport aux besoins quantitatifs et qualitatifs, une déclinaison régionale des recommandations nationales, qui seront mises en place par les ARS, associant les domaines sanitaires et médico-sociaux.

Ne pas vouloir tout faire, mais choisir des thématiques dépendant des particularités régionales, des conditions sociales, de l’aménagement de l’organisation territoriale et d’une vision régionale globale de la santé de l’enfant et de l’adolescent par des acteurs compétents.

Il convient de revisiter la politique de santé publique dans la tranche d’âge de la naissance à 18 ans, en améliorant la formation et la concertation pluridisciplinaire des nombreux professionnels de santé concernés.

La notion de transversalité doit compléter la vision verticale, source de cloisonnement, d’illisibilité des parcours de soins et de suivi, et l’aggravation des coûts de la santé à l’âge adulte.

Professeur émérite de Pédiatrie, Hôpital d’Enfants, Vandoeuvre-lès-Nancy.

 DANIÈLE SOMMELET

Source : Bilan spécialistes