De notre correspondant
C URIEUSEMENT, la désignation du gouverneur Thompson au poste qu'occupait jusqu'à présent Donna Shalala n'a pas donné lieu à un tollé dans le public qui, pourtant, pourrait la considérer comme une provocation, car les actions personnelles de M. Thompson en faveur de l'industrie du tabac sont parfaitement documentées.
Alicia Peterson, une porte-parole de l'équipe de transition du président élu, a affirmé que Tommy Thompson s'est engagé à plusieurs reprises dans la limitation de l'accès des jeunes au tabac. Plusieurs observateurs, au fait de la vie politique du Wisconsin, rappellent que le gouverneur a procédé à quatre augmentations des taxes sur le tabac et a interdit qu'on fume au Capitole de l'Etat. Mme Peterson a expliqué le choix de M. Bush : « M. Thompson est un spécialisteà l'échelle nationale des réformes de la santé et du welfare (aide aux nécessiteux). »
C'est vrai, mais M. Thompson semble plus soucieux de protéger l'industrie du tabac, qui a largement financé ses campagnes électorales, que la santé de ses administrés. A tel point qu'il avait proposé aux élus du Wisconsin de ne dépenser que 5 millions des 170 millions obtenus chaque année par l'Etat au titre des indemnités versées par les fabricants de cigarettes pour les campagnes de prévention du tabagisme. Sous la pression du public, il a fini par signer une loi accordant des fonds beaucoup plus élevés pour la prévention.
« Ce qu'on sait déjà de lui, déclare au « Quotidien » Bill Corr, vice-président exécutif de la campagne pour libérer les gosses du tabac, soulève des inquiétudes au sujet de son engagement à diminuer le tabagisme dans ce pays, maintenant qu'il est à la tête du ministère de la Santé. Mais nous voulons espérer qu'il saura se libérer de ses liens avec l'industrie et qu'il coopérera avec les associations pour adopter de nouvelles mesures anti-tabac. »
L'association que représente Bill Corr ne sait pas si elle va s'opposer à la nomination de Tommy Thompson, et ni l'American Cancer Society ni l'American Lung Association ni l'American Heart Association n'ont indiqué qu'elles s'y opposeraient. Le nouveau ministre des Affaires sociales devrait donc être confirmé dans ses nouvelles fonctions par le Congrès sans difficulté majeure.
Un professeur de cardiologie à l'université de Californie à San Francisco, le Dr Stanton Glantz, ne ménage pas ses critiques. « C'est comme si nous avions un vaccin contre le cancer et que nous nommions à la Santé un homme qui a multiplié les efforts pour que ce vaccin ne soit pas utilisé », dit-il au « Quotidien ».
Le dossier tabac du nouveau ministre est édifiant :
• en 1996, il s'est rendu en Grande-Bretagne, en Afrique et en Australie avec d'autres gouverneurs dans le cadre d'un voyage financé en grande partie par Philip Morris. Il a dit par la suite que, s'il avait su qui payait le voyage, il ne l'aurait pas fait. Ce qui ne l'a pas empêché d'écrire une lettre à l'un des dirigeants de la société, Andrew Whist, pour le remercier « de sa loyauté et de son amitié » et de remercier un lobbyiste de Philip Morris pour les agréments du même voyage ;
• entre 1993 et 2000, Tommy Thompson a recueilli 100 000 dollars (700 000 F) en contributions électorales de l'industrie du tabac, dont 72 000 dollars de Philip Morris seule ;
• en tant que gouverneur, il a signé une loi sur les « droits des fumeurs » et opposé son veto à l'interdiction de fumer dans un nouveau stade de Milwaukee.
Nombre de défenseurs de la santé publique affirment néanmoins que le comportement de M. Thompson s'est amélioré avec le temps et que les mesures antitabac qu'il a fait passer ces dernières années sont, en définitive, relativement sévères.
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