De notre correspondante
à New York
« Cette technique d'imagerie nous permet de distinguer clairement les ganglions bénins des ganglions malins et de construire des cartes tridimensionnelles afin de guider le protocole chirurgical », précise dans un communiqué le Dr Mukesh Harisinghani (Massachusetts General Hospital, Boston), premier signataire de l'étude publiée dans le « New England Journal of medicine ».
« L'approche repose sur une IRM avancée de haute résolution, une analyse détaillée assistée par ordinateur et un nouvel agent de contraste - une nanoparticule magnétique recherchant les ganglions lymphatiques », explique le Pr Ralph Weissleder, directeur du Centre de recherche d'imagerie moléculaire du Massachusetts General Hospital (MGH), qui a supervisé cette recherche. « Les aspects expérimentaux de cette technique ont été testés et validés au MGH au cours des dix dernières années et nous croyons qu'elle est tout à fait capable de changer la façon d'établir le bilan d'extension du cancer ».
Un facteur clé dans la décision
L'évolution des cancers de la prostate est très variable (longtemps asymptomatiques ou particulièrement agressifs). Il importe donc de pouvoir identifier le mieux possible les patients à risque nécessitant un traitement agressif. La présence de métastases ganglionnaires représente un facteur clé dans cette décision.
La méthode classique pour rechercher l'envahissement ganglionnaire local est la dissection des ganglions pelviens (par laparotomie ou laparoscopie). Toutefois, l'exploration est limitée aux ganglions adjacents à la prostate et les métastases peuvent apparaître dans des ganglions plus éloignés. De plus, cette approche chirurgicale est invasive et coûteuse.
Les techniques d'imagerie standard, comme l'IRM et le scanner, ne peuvent localiser que les gros ganglions, dont certains peuvent être bénins. Elles ne détectent pas les petits ganglions malins.
Harisinghani et coll. ont évalué l'IRM combinée à un nouvel agent de contraste, les nanoparticules superparamagnétiques lymphotropiques.
Une accumulation anormale des nanoparticules
Ces nanoparticules, formées d'un cœur d'oxyde de fer magnétique, sont avidement captées par les ganglions lymphatiques, où elles sont internalisées par les macrophages. Toute anomalie du flux lymphatique ou de l'architecture ganglionnaire causée par une métastase se traduit par une accumulation anormale des nanoparticules, détectée par IRM.
L'étude porte sur 80 patients avec un cancer au stade T1, T2, ou T3 (avant intervention chirurgicale), enrôlés soit au MGH de Boston, soit à l'hôpital universitaire de Nijmegen aux Pays-Bas.
Les patients ont eu une IRM abdominale, juste avant de recevoir l'injection I.V. des nanoparticules (2,6 mg de fer/kg de poids corporel), puis une seconde fois 24 heures après l'injection. Ils ont ensuite reçu le traitement standard, à savoir une résection de la prostate, pour beaucoup, et une lymphadénectomie ou une biopsie ganglionnaire.
Les résultats d'imagerie ont été corrélés aux observations histopathologiques. Sur 334 ganglions étudiés chez les 80 patients, 271 étaient bénins et 63 (19 %), chez 33 patients (41 %), contenaient des métastases à l'examen histopathologique.
Sur ces 63 ganglions malins, 72 % étaient trop petits pour être identifiés par les techniques d'imagerie standard.
Spécificité de 96 %
En revanche, l'IRM associée aux nanoparticules magnétiques a identifié tous les patients porteurs de métastases ganglionnaires (sensibilité de 100 % comparée à 45 % pour l'IRM standard) et produit des faux positifs chez seulement 4 % des patients (spécificité de 96 %).
« La haute précision et la nature moins invasive de cette méthode nous permettront de mieux établir le stade du cancer de la prostate chez nos patients », observe le Dr Tabatabaei, membre de l'équipe. « Cette technique pourrait bouleverser le diagnostic et le traitement du cancer de la prostate et probablement d'autres cancers génito-urinaires ».
Une vaste étude contrôlée est nécessaire pour comparer l'impact sur les patients et le coût de cette technique par rapport à l'exploration chirurgicale. Le coût devrait être réduit.
L'approche pourrait être appliquée à divers cancers comme le notent dans un article Koh et coll. (Royal Marsden Hospital, Sutton, Royaume-Uni) qui évaluent la technique dans le cancer rectal. Ils soulignent toutefois que sa sensibilité baisse pour des ganglions de moins de 5 mm.
Les nanoparticules sont actuellement en évaluation afin de recevoir l'autorisation de la FDA. A terme, elles pourraient même être exploitées pour délivrer le traitement anticancéreux directement dans les métastases.
« New England Journal of Medicine », 19 juin 2003, pp. 2491, 2487.
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