Douleur et personnes âgées

Ce n’est pas une fatalité…

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Publié le 06/06/2016
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DOULEUR

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Crédit photo : PHANIE

La prévalence de la douleur est très élevée chez la personne âgée (50 % après 70 ans). La multiplicité des étiologies douloureuses chez un même sujet en lien avec sa polypathologie et l’intrication des mécanismes douloureux rend la prise en charge complexe.

Les douleurs sont le plus souvent mixtes, nociceptives et neuropathiques. De plus, chez le sujet âgé, les douleurs chroniques altèrent de façon importante la qualité de vie et ont des répercussions sur les activités quotidiennes, le sommeil… « Certaines études ont même montré un impact sur la mortalité », déclare le Pr Serge Perrot Centre d’étude et de traitement de la douleur à l'Hôtel Dieu (Paris). L’évaluation de la douleur, première étape de la prise en charge, fait appel à la même stratégie que chez le sujet plus jeune, mais avec des spécificités liées aux pathologies associées (troubles sensoriels, cognitifs…). Il faut évaluer non seulement l’intensité douloureuse, mais aussi le type de douleur. L’autoévaluation doit toujours être privilégiée car la douleur est une expérience personnelle. « En cas d’échec, on peut avoir recours à des échelles d’hétéroévaluation (Algoplus), mais cela ne concerne qu’une minorité de patients ayant, par exemple une maladie d’Alzheimer évoluée. La majorité des patients ont des troubles cognitifs mineurs et avec un interrogatoire fait calmement, sans stress… l’autoévaluation est possible », explique le Pr Perrot. Souvent, le fait de traiter la dépression associée à des troubles cognitifs permet d’améliorer la douleur.

Douleurs ostéo-articulaires, les plus fréquentes

Les douleurs de l’appareil loco-moteur représentent la cause la plus fréquente de douleurs chez le sujet âgé (environ 70 %). Ces douleurs sont associées à des troubles fonctionnels retentissant sur la vie quotidienne et entraînant une perte importante de l’autonomie. Ainsi, parfois, la prise en charge consiste d’abord à restaurer la fonction. « Tout autant que la douleur, c’est l’altération fonctionnelle qu’il faut traiter », ajoute le Pr Perrot. Les approches non médicamenteuses sont privilégiées : exercice physique, rééducation, réhabilitation. Les antalgiques sont souvent peu efficaces sur la douleur de fond. Ils sont plus efficaces sur la douleur liée à l’activité. « On conseille ainsi de prendre l’antalgique (1 g de paracétamol, une demi-heure avant la marche, l’activité ou la séance de kinésithérapie). Il faut toujours associer les médicaments à la réactivation physique », précise-t-il. Les médicaments qui agissent sur le système nerveux central sont à éviter (risque de vertiges, chutes, troubles de l’équilibre…) De même, il faut, si possible, éviter les antalgiques de la classe des morphiniques et les AINS au long cours. Les douleurs neuropathiques sont également fréquentes chez le sujet âgé, notamment dans le diabète alors qu’on observe une diminution des douleurs post-zostériennes probablement dues à une prise en charge initiale efficace.

Lutter contre les idées reçues

Les traitements par voie locale (patch à la lidocaïne) sont conseillés. « Dans tous les cas, quel que soit le type de douleur, la voie locale est à privilégier : infiltrations, patch d’AINS, massages, application d’agents physiques (froid, chaud, ultrasons)... Les orthèses sont parfois utiles à la phase aiguë ainsi que le port d’une canne (du côté non douloureux). Les cures thermales ont montré leur efficacité dans l’arthrose des membres inférieurs et ont un rôle utile de réactivation physique », souligne le Pr Perrot. Enfin, il faut lutter contre les idées reçues. La plupart des patients ne consultent pas et ont parfois même honte d’exprimer leur douleur. Ils pensent qu’on ne peut rien faire… Être âgé et souffrir est souvent considéré, à tort, comme normal. La douleur est trop peu exprimée, il faut aider le patient âgé à en parler. Il existe également de nombreuses idées préconçues sur les médicaments. Non, il n’y a pas d’accoutumance : il faut prendre la bonne dose pour bouger plus. Se sous-traiter est une mauvaise stratégie qui peut entraîner un cercle vicieux de la douleur.

 

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin: 9502