Ce qu'il faut savoir sur l'allergie de contact au niveau et autour de l'oeil

Publié le 12/01/2003
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PRATIQUE

Les conjonctivites de contact

Ces conjonctivites font surtout appel à un mécanisme d'hypersensibilité de type IV et surviennent de 24 à 72 heures après le contact avec l'allergène. Elles sont généralement dues à l'application locale de substances ou de médicaments (collyres), de produits d'entretien des lentilles... Elles doivent être distinguées des conjonctivites gigantopapillaires (CGP) dues aux dépôts formés à la surface des lentilles lors de leur port. Le mécanisme immunologique est complexe et imparfaitement compris.
Les CGP sont fréquentes en cas de syndrome sec, de terrain atopique et lors de l'utilisation de collyres irritants.

Les urticaires de contact

Elles sont provoquées surtout par des substances d'origine animale (poils d'animaux ou chenilles), des substances végétales (orties, latex...), chimiques (formol, baume du Pérou, fragrances...), médicamenteuses. Le diagnostic est confirmé par un open patch-test ou un de ses dérivés.
Ces urticaires sont le plus souvent de mécanisme immédiat, IgE dépendant, plus rarement non immuno-allergique dû à des agents provoquant une libération directe de l'histamine, voire indéterminé.
L'urticaire apparaît typiquement de dix à trente minutes après le contact avec l'allergène. Les signes cliniques sont caractéristiques : oedème des paupières et de la conjonctive (+++), prurit, avec larmoiement.
L'oedème des paupières est parfois difficile à différencier de l'angio-oedème si l'agent allergisant n'est pas identifié.

Eczéma de contact

De vingt-quatre à quarante huit heures après le contact avec l'allergène, on observe un oedème, un érythème prurigineux, puis l'éclosion de fines vésicules et un suintement. Les manifestations souvent bilatérales, parfois symétriques, évoluent vers la récidive, puis la chronicité si l'agent responsable n'est pas identifié ou l'éviction de l'allergène en cause irréalisable. Une lichénification est possible.
Le terme « eczéma de contact » est aujourd'hui réservé aux lésions immunologiques, dû le plus souvent à un mécanisme de type IV. Il doit être différencié des dermites d'irritation, de mécanisme non immunologique, provoquées par la causticité d'un agent irritant. L'absence de prurit et la négativité des patch-tests observée dans la dermite d'irritation permettent essentiellement de différencier les deux pathologies.
Le diagnostic différentiel comprend la dermatite atopique, la dermite séborrhéique, la dermite irritative et l'oedème des paupières observé dans l'angio-oedème (oedème de Quincke), souvent unilatéral.

Examen clinique

Au cours des allergies de contact, il faut toujours rechercher une blépharite, inflammation du bord libre de la paupière, très fréquente. Souvent bilatérales, ces allergies associent rougeur, prurit des bords libres de la paupière, perte des cils et larmoiement.
•  L'interrogatoire rigoureux est capital.
On doit rechercher des antécédents d'orgelet à répétition, une sécheresse oculaire et éliminer une kératite. Les facteurs de prédisposition sont l'atopie ou une agression répétée dont le mécanisme n'est pas toujours immunologique.
L'atteinte oculaire et/ou palpébrale peut être associée à d'autres localisations de l'allergie. Irritation, oeil sec et allergie sont souvent intriqués.
•  A l'examen clinique, on peut voir :
- un eczéma des paupières isolé lorsque l'agent sensibilisant n'entre pas en contact avec le globe oculaire lui-même (cosmétiques), ou associé aux atteintes suivantes dans le cas contraire ;
- une blépharite (inflammation du bord libre de la paupière avec rougeur et gonflement), à distinguer des autres causes de blépharites, fréquentes (sécheresse, orgelets) ;
- une conjonctivite par allergie de contact (collyres), souvent associée à une blépharite, dont l'aspect clinique n'a rien de pathognomonique.

Tests cutanés

Pratiqués par un allergologue expérimenté, orientés par l'interrogatoire, ils sont indispensables pour confirmer le diagnostic d'allergie et identifier l'allergène responsable.
• Les patch-tests ou tests épicutanés
La batterie standard internationale, actualisée régulièrement, comporte vingt-trois allergènes testés et sélectionnés par des experts. Appliqués classiquement sur la peau saine du dos ou sur les avant-bras en allergie oculaire car le revêtement cutané y est particulièrement fin, proche de celui des paupières, ils permettent de mettre en évidence de 60 à 70 % des agents responsables d'eczéma.
Si les patch-tests de la batterie standard n'ont pas permis d'isoler le produit responsable, on teste alors des allergènes d'une ou plusieurs batteries spécifiques (parfums, cosmétiques ou dermocorticoïdes par exemple), ainsi que les produits du patient de façon générale.
•  Open-tests ou tests ouverts
Les substances suspectes sont appliquées sur la peau à la face antérieure de l'avant-bras. Ils sont utiles pour les produits dont l'effet irritant est inconnu ou probable.
•  Tests semi-ouverts
Ils sont également pratiqués s'il existe un risque de causticité de la substance testée, ou lorsque la composition du produit est complexe. Les substances sont appliquées et recouvertes d'une bande adhésive pendant vingt minutes avec une lecture quelques minutes après comme pour les open-tests.
•  Repeated Open Application Test (ROAT)
Il consiste à répéter le test ouvert deux fois par jour pendant une semaine (ex. : parfum).
•  Test d'usage
Dérivé du ROAT, il consiste à répéter les conditions habituelles du contact allergénique. Il est surtout indiqué pour les pathologies professionnelles.
•  Epreuve d'éviction-réintroduction
Il s'agit d'un test très intéressant dans le domaine de l'allergie de contact oculaire, lorsque l'éviction de l'allergène seul n'est pas concluante.

Conclusion

Le diagnostic d'allergie de contact repose sur l'interrogatoire rigoureux et la pratique des tests cutanés réalisés par un praticien expérimenté. Les résultats des tests doivent toujours être confrontés à la clinique. Une collaboration entre allergologue et ophtalmologiste est nécessaire. L'éviction de l'allergène, quand elle est possible, associée à un traitement symptomatique initial, est la meilleure garantie pour une guérison durable.

L'auteur remercie Mme le Dr Mathelier-Fusade, dermato-allergologue, et M. le Dr Laurent Helleboid, ophtalmologiste, tous deux attachés au service d'allergologie du Pr F. Leynadier à l'hôpital Tenon, pour l'aide qu'ils lui ont apportée pour la rédaction de cet article
Pour en savoir plus :
- Mark B. Abelson,«  Allergic Diseases Of The Eye », 2000 , W. B. Saunders Company.
- Leonard Bielory, MD, « Immunology and Allergy Clinics of North America », February 1997.
- E. Bloch-Michel, L. Helleboid, D. Herman, F. Marmouz, E. Vadot. « L'allergie oculaire », 1 vol., 1999, Institut UCB de l'allergie.
- M. Castelain, J.-J. Grob, conjonctivites de contact retardées « Progrès dermato-allergologie », tome IV, Gerda 2000, John Libbey Eurotext.

Allergènes de contact au niveau des paupières*

Quel allergène ?

Parfum, Colophane,Conservateurs
Nickel, Cobalte
Colorants
Formol, Résine PTSF
Antiseptiques, antibiotiques
conservateurs
Caoutchoucs, latex
Dans quels produits?
Cosmétiques
Maquillage
Teintures capillaires
Vernis à ongles
Collyres - Topiques médicamenteux
Masques et lunettes de plongée
Contact avec gants

* Liste non exhaustive

Dr Farid MARMOUZ Allergologue, Pontoise

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7250