Claude Le Pen :  « Les cliniques, un no man's land, public par les missions, privé par le statut »

Publié le 18/11/2019
Claude Le Pen

Claude Le Pen
Crédit photo : GARO/PHANIE

Les cliniques ne doivent-elles pas à terme attirer davantage les patients sur leur identité propre ?

La loi HPST portée par Roselyne Bachelot avait en partie effacé les frontières rigides entre les statuts. Une liste de missions avait été établie. Si l’établissement les respectait, il participait au service public de l’hospitalisation quel que soit son statut. Marisol Touraine a refermé la porte en ajoutant des conditions difficilement applicables. Ce qui a de facto réduit le service public aux établissements sous statut public. Où sont aujourd’hui les cliniques ? Quel sont les rapports avec le système hospitalier ? On les tolère alors qu’elles assurent une grande partie des actes chirurgicaux, des prises en charge en oncologie et attirent dans le même temps de nombreux médecins des hôpitaux lassés par leurs conditions de travail. C’est une opportunité pour le privé. Cela doit amener le public à s’interroger sur ses pratiques. On peut évoquer un no man’s land, public par leurs missions, privé par leur statut. Elles sont par ailleurs bridées par la politique tarifaire.

La FHP a abandonné la lutte vers la convergence tarifaire.

La convergence tarifaire fait partie du bloc de la T2A. L’un de ses principes était qu’un séjour soit rémunéré de la même façon indépendamment du statut de l’établissement. Les missions de service public comme la recherche, la formation, l’accueil de populations précaires devaient être financées par les enveloppes Merri ou Migac. Le tarif rémunère seulement l’acte. L’hospitalisation publique s’est toujours opposée à ce principe en exigeant des tarifs supérieurs. Aujourd’hui, il existe des doubles tarifs. Et contrairement à ce que pense l’opinion, les tarifs du privé sont inférieurs à ceux du public à cette nuance près que les honoraires des médecins des cliniques ne sont pas inclus dans les tarifs. Comme économiste, je défends le principe de la transparence. Un acte doit être rémunéré selon sa valeur. Quant aux missions de service public, elles doivent faire l’objet d’un financement spécifique.

Avec la création à venir de centres de santé primaires, peut-on parler d’un nouveau business model ?

Ce n’est pas une rupture fondamentale. Les cliniques sont toujours soumises à des tarifs opposables. Les médecins seront rémunérés à l’acte. Le processus de restructuration continue. C’est davantage une adaptation du business model à l’air du temps qu’une rupture. La transformation majeure s’est produite il y a quelques années avec la création des chaînes et la rationalisation de la gestion. Il n’est d’ailleurs pas propre au privé. Avec les 500 hôpitaux de proximité envisagés par Ma santé 2022, on est également dans ce modèle. Le principe de graduation et de territorialisation des soins s’est imposé auprès de tous les acteurs.

Dans le même temps, les cliniques ne doivent pas rester à l’écart des hôpitaux de proximité. Car c’est une partie du recrutement qui peut à terme leur échapper. Sur le plan régional, c’est une réponse quasi obligatoire à la diversification souhaitée par les pouvoirs publics du tissu hospitalier dans l’Hexagone.

Les cliniques au final ne sont pas un business où l’on recherche la rentabilité. Les investisseurs recherchent plutôt la sécurité, la pérennité sur le long terme avec des marges faibles.

Economiste de la santé.


Source : Décision Santé: 318