On commence à se révolter – c’était fatal ! – contre la tyrannie eugénique. Et qui lève l’étendard de la révolte ? Les médecins américains, à qui l’on voudrait imposer un rôle qu’ils jugent, avec raison, inacceptable.
Aux États-Unis, la loi prescrit à tout aspirant au mariage, à quelque sexe qu’il appartienne, de présenter un certificat de bonne santé, pour être autorisé à convoler en justes noces, et elle ajoute que les honoraires du médecin chargé de délivrer ce certificat sont fixés à 15 francs. De prime abord, il semble que 15 francs pour tâter le pouls à une personne pour lui faire tirer la langue, lui appliquer l’oreille sur la poitrine ou dans le dos, le faire respirer profondément, lui examiner l’intérieur de la paupière inférieure ou supérieure et lui faire lire à distance des caractères de grosseur graduée, soit une rétribution convenable.
Mais il s’agit bien de cela ! L’eugénisme a d’autres exigences, et voici, d’après les médecins protestataires, la tâche que leur impose la loi pour trois pièces de cent sous. Avant de délivrer le certificat au candidat, il lui faudra faire subir quatre épreuves Wassermann s’étendant sur une période de quatre mois et que suivra l’épreuve de Noguchi. Ensuite, ils devront lui faire une ponction dans l’épine dorsale et examiner l’échantillon de moelle épinière ainsi prélevé. Après cela, ils perforeront le crâne du patient pour y prendre une petite quantité de matière cérébrale dont ils feront l’examen au microscope. Ce n’est que grâce à ces diverses opérations, tous les réflexes dorsaux ayant été éprouvés, tous les os du squelette ayant été examinés, les yeux et la gorge ayant été examinés avec soin, que le certificat, d’après le médecin en cause, pourra être délivré.
Tout cela représente six mois de travail, et même alors il restera la possibilité que le candidat soit atteint de certaines maladies mentionnées dans la loi et dont seul un nouvel examen d’une durée de trois mois pourra permettre de constater l’absence. Est-il surprenant, conclut le correspondant du « Matin » qui envoie cette savoureuse information à son journal, qu’à la suite de ces déclarations on parle de modifier la loi, sinon de la rapporter avant qu’elle soit applicable ? Si l’on n’en vient pas là, il est à craindre que la dépopulation n’atteigne à son tour l’Amérique à la suite d’une grève générale du mariage.
(« La Chronique médicale », mars 1914)
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