Dans une Inde où la tuberculose explose, la majorité des médecins restent mal formés au repérage et au traitement

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Publié le 26/09/2018
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Crédit photo : AFP

Alors que s'ouvre ce 26 septembre le Premier sommet des Nations Unies dédié à la tuberculose, à New York, une étude publiée dans la revue « Plos Medicine », menée par une équipe de chercheurs de l'université McGill, de la Banque mondiale, de l'université Johns Hopkins ou encore du CNRS français, et financée par la Fondation Bill and Melinda Gates, démontre la méconnaissance de la maladie en Inde, où elle reste un problème de santé publique majeur comme en Chine et en Indonésie. L'Inde compte un quart des 10 millions de nouveaux cas de tuberculose chaque année survenant dans le monde et un tiers du 1,7 million de décès.

Pendant dix mois, en 2014 et 2015, 24 faux patients se sont rendus une ou plusieurs fois chez 1 288 médecins du secteur privé à Mumbay et Patna, en simulant quatre cas typiques, de la simple toux prolongée à une toux présentée comme une rechute.

65 % de réponses incorrectes de la part des médecins 

Dans 65 % des visites, ces médecins de première ligne ont répondu de manière incorrecte par rapport aux modèles de soins internationaux et indiens.

Un médecin, soupçonnant un problème lié à la pollution de l'air, va par exemple prescrire un antibiotique ou un sirop et donner rendez-vous au patient quelques semaines plus tard. Les praticiens sans formation médicale, très présents en zones rurales, tout comme ceux qui prodiguent des médecines traditionnelles très populaires en Inde, telles que l'ayurvéda, le yoga, l'Unani, le Siddha et l'homéopathie, regroupées sous le terme de AAYUSH, concentrent les pires réponses. L'erreur la plus fréquente est l'absence de prescription des examens nécessaires (test des sécrétions des poumons, radio) pour établir un diagnostic. 

Les médecins diplômés, particulièrement à Mumbai ont prescrit un traitement correct dans la moitié des cas, selon cette étude.

Nécessaire formation

Le problème, selon Jishnu Das, économiste à la Banque mondiale, n'est pas que les médecins proposent un protocole alternatif unique ; ils font « tout et n'importe quoi et ne se rendent pas compte qu'ils sont face à quelqu'un qui a la tuberculose », juge-t-il. « Un docteur va donner des antibiotiques et du fluoroquinolone, un autre des stéroïdes et du fluoroquinolone, un troisième un sirop et des antibiotiques » illustre-t-il, déplorant des effets nocifs pour le patient, et des risques en matière d'antibiorésistance.

Une étude publiée dans la revue médicale « The Lancet » en 2017 estimait que d'ici 2040, 12,4 % des cas de tuberculose seraient dus par des souches résistantes aux antibiotiques. En 2018, l'OMS a recommandé  d’utiliser en priorité la bédaquiline – plutôt que des médicaments injectables - pour le traitement de toutes les personnes souffrant de TB-MR, mais elle reste inaccessible à la majorité des patients qui en auraient besoin. 

Les chercheurs appellent à mieux former les médecins et en attendant, à orienter les patients vers les bons praticiens et les programmes publics subventionnés dans le cadre desquels ils peuvent obtenir les médicaments anti-tuberculose les plus efficaces.

Plaidoyer de MSF pour la recherche

Le Haut sommet mondial sur la tuberculose doit être l'occasion de lever 13 milliards de dollars (11 milliards d'euros) par an pour mettre un terme à la pandémie d'ici 2030. Médecins sans Frontières appelle « les dirigeants mondiaux à prendre des engagements forts en faveur d’un développement rapide de nouveaux outils permettant un dépistage et un traitement rapides de la maladie », déplorant l'insuffisance de l'arsenal thérapeutique (seuls deux nouveaux antituberculeux, bédaquiline et delamanide, ont été élaborés au cours des cinquante dernières années). 

La tuberculose a tué 1,6 million de personnes en 2017 et touché 10 millions de nouvelles personnes, selon l'Organisation mondiale de la santé et demeure l'une des 10 premières causes de décès dans le monde, la première par maladie infectieuse.  


Source : lequotidiendumedecin.fr