En matière de musique, il y a les interprètes et il y a les amateurs. Les premiers ont peut-être eu la chance de se voir offrir un violon par une famille fortunée. Les seconds se sont contentés de taper du pied en poussant des cris et borborygmes devant leur idole.
L'ouvrage commence de façon quasi anecdotique. Des amis médecins et leurs parents invitent Bernard Lechevalier dans leur maison. Les voici à la mandoline, et l'auteur au piano, interprétant un concerto de Vivaldi. Tous témoignent d'un immense plaisir, fait d'émotion partagée ; et, dirait sans doute Pierre Bourdieu, d'une « complicité de classe », tant il est vrai qu'un ostinato de cordes n'est pas débattu au café du Commerce.
Mais donnons la parole à Bernard Lechevalier, qui s'interroge clairement : « Pourquoi la musique nous touche-t-elle ? J'envisagerai ici la musique comme un tout, à savoir le plaisir provoqué par la création, l'interprétation d'un objet sonore résultant de l'organisation de sons, ne séparant pas musique classique et musique contemporaine, musique de variété ou de jazz. »
Autrement dit, l'auteur se situe sur tous les postes d'observation et d'écoute, et refuse la traditionnelle séparation entre musique signifiante et non-signifiante. De fait, la musique « dit » forcément quelque chose, mais quoi ?
L'épisode du concert de mandolines permet à Bernard Lechevalier d'affirmer que « la perception de la musique et le plaisir qu'elle fait naître relèvent de processus fort complexes qui ne tiennent pas qu'à la structure de l'œuvre elle-même, mais aussi à des associations d'idées et d'affects, et au contexte de son interprétation et de son écoute ».
Comme toutes les grandes questions philosophiques, la nature du plaisir convoque à la fois l'esprit (on disait « l'âme ») et le corps. Il n'est pas indifférent de produire des sons qui nous font vibrer dans un contexte d'amitié, par exemple, mais cet état de bien-être va de pair avec des sécrétions d'ocytocine par la région postérieure de l'hypophyse, ainsi que de dopamine.
Il n'y a donc pas d'études sur la musique qui puisse contourner le problème des régions cérébrales spécifiques, partant celui des troubles et pathologies liés à de mauvaises vibrations, ou à l'incapacité de percevoir les sons, hyper- et hypoacousie.
Il y a urgence à lire ce livre, qui contient aussi de remarquables pages sur la danse. Urgence, car on peut s'engloutir dans l'océan des chefs-d'œuvre, unique vie possible, « car la musique est la seule qui puisse nous apaiser ».
Bernard Lechevalier, « Le Plaisir de la musique - Une approche neuropsychologique », Odile Jacob, 240 p., 22,90 €
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature