En Italie,  un mois après le séisme

Départ des opérateurs sanitaires alors que la terre continue à trembler

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Publié le 29/09/2016
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Crédit photo : AFP

En ce week-end ensoleillé de fin septembre, les opérateurs sanitaires qui ont été expédiés il y a un mois sur le terrain, au lendemain du violent séisme qui a détruit plusieurs bourgs situés à cent cinquante kilomètres au nord de Rome, préparent leurs valises. Selon les directives du gouvernement et des maires des zones touchées, les camps de secours doivent être démantelés d'ici la fin du mois de septembre.

Les opérations de démantèlement ont commencé vendredi 23 septembre, soit un mois après le tremblement de terre. Sur le terrain, il ne restera que les médecins et les paramédicaux déplacés par le centre de sécurité sociale régional pour travailler dans une structure de support installée sous une tente de la protection civile. Mais pour combien de temps ? Une question à laquelle personne ne veut répondre dans l'immédiat. Comme à celle d'ailleurs concernant le devenir des personnes hébergées dans des camps de secours et qui doivent désormais partir. « Les déplacer à tout prix est une erreur car on leur retire un environnement qui peut constituer une nouvelle base de départ, confie le psychothérapeute Stefano Sossai. En effet la peur de mourir ou de voir mourir ses proches, de tout perdre, de voir disparaître ce qui a constitué un horizon de vie pendant des années peut provoquer des séquelles sur le long terme. »

Résistance

Une nouvelle base de départ, c'est ce que réclament les survivants, qui refusent d'être déplacés vers des hôtels situés à une centaine de kilomètres. Car dans ce lambeau de terre italienne coincé entre quatre régions, les gens ont les pieds bien enracinés dans le sol.

Dans plusieurs villages, en partie ou quasiment détruits par le séisme - comme Santa Giusta, Cesaventre ou Amatrice, rebaptisé le village martyr avec 232 habitants morts la nuit du drame - les habitants sont entrés en résistance.

Depuis un mois, Simona dort dans une caravane plantée devant son village. Au lendemain du tremblement de terre, elle s'est réfugiée avec son mari et son fils de 12 ans dans une caravane. « Partir veut dire mourir dans nos têtes, renoncer à tout ce que nous avons construit. C'est vrai, nous n'avons plus grand-chose mais pour ne pas crever, nous ne pouvons pas renoncer au peu qu'il nous reste », confie Simona.

Ce peu qu'il leur reste, ce sont leurs bêtes, les vaches, les moutons, les poules qui font vivoter les familles d'agriculteurs du coin. « J'ai cinq cochons, un veau et 35 poules. Avec mon mari, on ne peut pas partir, on fera comment pour manger après ? » demande Caterina.

À soixante-dix-sept ans, cette femme au visage ridé comme une vieille pomme a décidé elle aussi de rester à Cesaventre, le village où elle est née, s'est mariée et a eu trois enfants. Dans ce petit village niché au détour d'une magnifique forêt, les vingt habitants ont installé cinq caravanes et un conteneur juste en face de leurs maisons. Chaque jour, ils tentent de redonner à leur vie les contours de la normalité. Le matin, les enfants prennent le car pour aller à l'école, située à une soixantaine de kilomètres pendant que les parents préparent le repas du midi qu'ils prendront tous ensemble dans une grange située à l'entrée du village.

Tromper la peur

Pour tromper la peur, car la terre continue de trembler le jour comme la nuit, ils mangent ensemble tous les jours dans la grange transformée en cantine. « Le maire voulait qu'on parte et il a tout essayé. Il a refusé de nous laisser raccorder nos caravanes à l'électricité et n'a pas rétabli le réseau d'eau courante endommagé par le séisme. Mais nous, on s'en fout, on ne partira pas », assure un fermier.

Depuis le tremblement de terre, le silence règne dans les petits villages abandonnés et gardés par des militaires pour décourager les pilleurs. L'odeur de la mort rode encore au détour des routes et la vie semble si loin. Quelques chiens perdus errent à l'infini, les oiseaux se taisent et la nature respire la tristesse. Pourtant, les Italiens se sont mobilisés depuis un mois pour aider leurs compatriotes en détresse.

Dans les villages où les habitants ont décidé de rester, la fédération italienne des chefs (FIC) a expédié ses équipes de cuisiniers. « Notre association a créé une cellule de solidarité qui intervient en cas de catastrophe pour aider les populations sinistrées. Le lendemain du séisme, nos équipes sont arrivées sur place avec des cuisines mobiles pour garantir des repas matin, midi et soir », confie Elia Grillotti, chef et président de la section régionale de la FIC.

Dans deux mois, la neige commencera à tomber et la vie dans les caravanes sera encore plus difficile.

De notre correspondante Ariel F. Dumont

Source : Le Quotidien du médecin: 9521