Douleurs induites par les soins

Dépister, prévenir, et prendre en charge

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Publié le 18/01/2018
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MEOPA

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Alors que certains gestes sont réalisés avec un plateau technique et un protocole anesthésique précis, d’autres, qualifiés de routiniers, très fréquents, sont volontiers pourvoyeurs de douleur induite, l’analgésie étant liée aux pratiques personnelles du soignant ou aux habitudes de service. Or, la douleur induite est prévisible, et peut donc être anticipée.

Une prise de conscience récente

Classiquement négligée au regard des objectifs de réalisation des soins et la priorité d’une guérison, la douleur fait l’objet d’un effort particulier depuis les années 1990-2000. En 1995, A. Taddio et coll. ont montré que la douleur lors d’une première vaccination était plus intense si une circoncision néonatale avait été pratiquée sans anesthésie, mettant ainsi en évidence la « mémoire de la douleur » (1). En 2003, S. Tcherny-Lessenot et coll. ont montré que dans le service d’urgence d’un hôpital universitaire parisien, 47 % des patients se plaignaient de douleurs induites (2). De même, en 2008, dans un centre de lutte contre le cancer, 82 % des patients étaient douloureux, et moins d’un sur deux avait reçu un antalgique (3). Ces constatations ont été à l’origine d’améliorations significatives (4). Dans un travail réalisé dans 14 centres de réanimation néonatale en Ile-de-France, R. Carbajal et coll. ont montré que sur près de 61 000 gestes étudiés, 7 sur 10 étaient douloureux et 3 sur 10 stressants ou inconfortables (5). Or, 79,2 % avaient été réalisés sans analgésie spécifique. Encore récemment, dans un hôpital parisien, 58 % des patients déclaraient des douleurs liées aux soins, souvent intenses, un traitement antalgique spécifique n’ayant été prescrit et administré que dans moins d’un cas sur 4 (6).

Ce qu’il reste à faire…

La douleur liée aux soins est souvent plus mal vécue par les patients que la pathologie elle-même. Elle est considérée encore comme « normale » par certains patients qui n’en parlent jamais, notamment les personnes âgées.

Pour les patients, il s’agit d’une source d’épuisement et d’anxiété, délétères pour l’adhésion à la prise en charge. Pour les soignants, elle complique la réalisation des gestes, nuit à leur qualité, ralentit l’activité, dévalorise l’action du soignant, et est enfin source d’épuisement professionnel.

L’organisation des soins est donc indispensable. Cela suppose de définir la pertinence du geste, de s’enquérir du soulagement ou non de la douleur de fond, d’évaluer la douleur, de délivrer une information claire et adaptée au patient et à son entourage, et enfin de dialoguer avec l’équipe soignante.

L’efficacité des moyens antalgiques est bien établie. Il peut s’agir du MEOPA (Mélange Équimolaire d’Oxygène et de Protoxyde d’Azote), d’anesthésiques locaux, des antalgiques des paliers OMS. Validés par des études comparatives, complémentaires des médicaments, les moyens non médicamenteux permettent au patient de faire face à la douleur et à l’anxiété. Particulièrement utiles en cas de soins répétés, ils diminuent la quantité de médicament et leurs effets secondaires. Les techniques sont maîtrisées et disponibles, sous réserve de formation, de temps dévolu et de financement dans certains contextes. C’est le cas en ville, en particulier dans le contexte du virage ambulatoire, un enjeu important pour l'avenir. Par exemple, comment financer l’usage du MEOPA dans ce contexte ?

Quant aux usagers, enfin, issus d’une population de plus en plus informée, ils revendiquent une indéniable expérience de terrain dont il faut savoir tirer les enseignements.

La douleur des soins n'est donc pas une fatalité…

1. Taddio A, et al.,Lancet 1995; 345(8945): 291-2.
2. Tcherny-Lessenot S, et al., J Pain Symptom Manage 2003; 25(6): 539-46.
3. Nebbak JM, et al., Bull Cancer 2008; 95(5): 551-5.
4. Nebbak JM, et al., Bull Cancer 2013; 100(7-8): 679-87.
5. Carbajal R, et al., JAMA 2008; 300(1): 60-70.
6. Ambrogi V, et al., Eur J Pain 2015; 19(3): 313-21.

Dr Gérard Bozet

Source : Le Quotidien du médecin: 9632