Les portraits de l'été

Dernier été avant embarquement pour le Dr Bargain, patron du service médical de Roissy

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Publié le 02/08/2018
Dr Philippe Bargain

Dr Philippe Bargain
Crédit photo : Stéphane Lancelot

À bientôt 70 ans, le Dr Philippe Bargain est en pleine forme pour son dernier été à la tête du service médical d’urgence (SMU) de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. « Vous savez, l’état de bonne santé est très précaire. Je pourrais aller mal, ou mourir brutalement en vous parlant », plaisante-t-il dès le début de notre entretien. Le 31 octobre 2018, cet homme au verbe haut et à l’enthousiasme contagieux quittera le SMU.

Pour enfin couler des jours paisibles ? Ce serait mal le connaître. Dès novembre, il s’envolera vers la Guyane. Et pas question d’arrêter la médecine, cet hyperactif s’imagine déjà dire à sa femme : « Ne mets pas le soufflé au four, j’ai une angine à deux jours de pirogue ! (rires) ». De l’autre côté de l’Atlantique, le praticien assurera des missions de deux ou trois mois dans des dispensaires de proximité. « Comme Cahuzac ! », souligne-t-il avec malice. Il semble que Philippe Bargain ait du mal à couper avec la médecine, dans laquelle il baigne depuis toujours.

Enfance et visites nocturnes

Enfant, Philippe Bargain suit souvent son père, médecin généraliste à Loctudy (Finistère), en visite. Même en pleine nuit, le sommeil de son paternel étant souvent interrompu par un appel. Ce qui a le don de l’agacer. « Comme ça l’emm**dait, il me réveillait mon frère, ma sœur et moi, et nous disait de l’accompagner faire sa visite, raconte Philippe Bargain. À 3 heures du matin, tu appréciais modérément mais tu y allais quand même. »

Un jour, il accompagne son père pour un accouchement. Une fois arrivé, Philippe Bargain sent « le centre de gravité de la pièce se déplacer ». « Il y avait une tension énorme et quand mon père est arrivé, elle s’est estompée. Tout le monde s’est dit "ouf le docteur est là" . Ils l’ont regardé avec les yeux de Chimène », s’émerveille-t-il. Ce jour-là, le petit Philippe réalise qu’il veut devenir Dr Bargain.

Du Bourget à Roissy

Des années plus tard, il se lance dans les études de médecine à Bichat. Cela tombe bien : dans sa famille « on fait d’abord médecine avant de faire autre chose », souligne le chef du SMU. Le 31 décembre 1970, une interne lui propose d’effectuer une garde à sa place à l’aéroport du Bourget. Heureux de pouvoir gagner un peu d’argent, Philippe Bargain accepte. « C’est ainsi que je suis rentré à l’aéroport. Puis j’ai continué à faire des gardes au Bourget. C’était facile », explique-t-il.

En 1974, le service médical d’urgence de Roissy-CDG voit le jour. Le Dr Bargain est de l’aventure. Un an plus tard, il présente sa thèse sur le traitement des accidents d’avion dans les aéroports et obtient son diplôme de médecine générale. Pendant dix ans, Philippe Bargain se partage entre les gardes au SMU, SOS médecins et des consultations en psychiatrie à Ville-Evrard. « Je bossais comme un dingue ! », se souvient-il. En 1985, après le décès du Dr Bergot, Philippe Bargain prend les rênes du SMU. Pour ne plus les quitter.

Pas de routine

Né de la « trouille » du Dr Bergot de ne pas pouvoir secourir les passagers d’un avion en cas d’accident, le SMU – devenu centre de vaccination et dispensaire de proximité – voit la palette de ses missions s’élargir au fil des années. Résultat : le Dr Bargain ne s’ennuie jamais. Les patients originaires des quatre coins du globe et les « tas de pathologies bizarroïdes », lui permettent de ne pas tomber dans la routine. « C’est fascinant ! Vous ne savez jamais ce que vous allez avoir à traiter dans la journée ! », s’enchante-t-il. Ces temps-ci, le SMU accueille des migrants de l’Aquarius.

Un jour de 1981, le médecin découvre le premier « bouletteux » de l’histoire. Un fait d’arme dont Philippe Bargain n’est pas peu fier. Un homme en provenance de Bombay a ingéré de l’héroïne emballée dans de la cire d’abeille. Cette dernière a fondu, provoquant une overdose. « Vous voyez, il y a tous les jours quelque chose d’étonnant », insiste-t-il.

Dans quelques semaines, Phillipe Bargain quittera ce « monde magique », la tête haute. « J’ai fait mon boulot, j’ai été au bout de ce que je pouvais faire », assure-t-il. 

Bon vol !


Source : lequotidiendumedecin.fr