Traitement de la polyarthrite rhumatoïde

Des avancées continues

Publié le 12/10/2017
Polyarthrite rhumatoïdes

Polyarthrite rhumatoïdes

« Le recours à des stratégies thérapeutiques ciblées, l’optimisation de l’emploi du méthotrexate, l’utilisation des biothérapies, ont permis depuis 15 ans de contrôler plus étroitement l’inflammation systémique, associée à la polyarthrite rhumatoïde », a rappelé le Pr Cécile Gaujoux-Viala (université de Montpellier) lors du congrès de la Ligue européenne contre les rhumatismes (EULAR), qui s’est déroulé à Madrid du 14 au 17 juin 2017. Une meilleure prise en charge qui a débouché, comme vient de le montrer une méta-analyse française de 28 études observationnelles, sur une baisse significative des complications cardiovasculaires depuis les années 2000 (risque relatif d’infarctus du myocarde de 1,18 contre 1,32 auparavant) avec une disparition de l’excès de mortalité cardiovasculaire chez ces patients (1). Parallèlement, le nombre de complications ostéo-articulaires s’est réduit avec, comme l’ont mis en évidence les données du registre danois, 20 % de remplacements de genoux et 38 % de remplacements de hanches en moins depuis 2003 (2).
Pour améliorer encore les résultats, les rhumatologues tentent d’agir au stade de pré-PR, la PR étant précédée d’une phase de latence clinique sans manifestations articulaires pouvant durer plus de 10 ans, au cours de laquelle des réactions d’auto-immunité sont décelées (présence d’auto-anticorps anti-peptides, anti-protéines citrullinés, ACPA). Une méta-analyse de 9 études randomisées, ayant rassemblé 1 156 patients, entreprise par l’équipe de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, a confirmé que traiter des patients avec des PR très débutantes (arthrites indifférenciées, avec anticorps ACPA…) réduit de 28 %, en moyenne, la probabilité d’évolution vers une véritable PR à 1 an (3).
 

Des résultats plutôt rassurants pour les biosimilaires, mais à confirmer au long cours

Les médicaments anti-TNF peuvent être proposés depuis quelques années sous forme de biosimilaire (Remsima® et Inflectra® pour l’infliximab depuis septembre 2013, puis Flixabi®  en 2016 ; Benepali® pour l’étanercept depuis janvier 2016). Reste que si leur usage est déjà important dans certains pays nordiques, en France leur prescription demeure limitée (1,6 % des biothérapies selon une enquête européenne conduite en 2016 par des auteurs britanniques) (4).
De nombreuses études sont entreprises pour analyser l’efficacité de ces biosimilaires, notamment en relais d’un anti-TNF. Les séries de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière ou de l’hôpital Cochin (respectivement 89  patients, dont un quart avec une PR, et 182 patients dont 31 avec une PR) n’ont pas constaté de perte d’activité ou de problème de sécurité après de tels switchs (5, 6). Mais, comme le révèlent les données du registre Danbio, qui a pris en compte 1 548 patients dont 891 avec une PR, les patients doivent être éduqués, car parfois ils arrêtent le traitement (7). Trois mois après le passage de l’étanercept conventionnel au biosimilaire Benepali® pour raisons économiques, le niveau d’activité du rhumatisme inflammatoire n’était pas notablement modifié chez la majorité des patients de cette série. Mais, un taux d’arrêt du traitement de 9 % a été relevé. « L’impact au long cours de ce passage aux biosimilaires devra être vérifié en termes d’efficacité et de sécurité », estiment ces auteurs danois.
 

Des inhibiteurs de JAK  très attendus

Une large gamme de biomédicaments peut actuellement être proposée pour le traitement de la PR : médicaments anti-TNF, modulateurs de la costimulation des lymphocytes T (abatacept), anticorps dirigés contre la protéine CD20 (rituximab), ou le récepteur de l’interleukine 6 (IL6) (tocilizumab). Pourtant, une recherche thérapeutique active est poursuivie pour trouver d’autres biothérapies, mieux tolérées, plus faciles à administrer, ou permettant de répondre à des problèmes d’immunogénicité lorsque des auto-anticorps se développent contre un biomédicament. Il est important de trouver des médicaments plus efficaces, « car 40 % des malades actuels restent incomplètement soulagés sous association de méthotrexate et de biothérapie et un tiers résiste au traitement », a récemment rappelé le Pr Marie-Christophe Boissier (hôpital Avicenne, Bobigny) (8).
En 2017, les espoirs des rhumatologues se tournent vers les inhibiteurs de Janus kinases (JAK), des enzymes qui interviennent dans la transduction de signaux de nombreuses cytokines à effets inflammatoires impliquées dans la PR. Outre leur activité anti-inflammatoire, ces médicaments ont l’intérêt d’être administrables par voie orale. Deux de ces inhibiteurs de JAK, le tofacitinib (Xeljanz®) et le baricitinib (Olumiant®) disposent d’une AMM européenne (depuis décembre 2016 pour le baricitinib et depuis janvier 2017 pour le tofacitinib) et pourraient être commercialisés prochainement en France. D’autres sont en développement (filgotinib, upadacitinib, decernotinib, peficitinib). Ces anti-JAK n’ont pas tout à fait le même mode d’action au niveau des voies de signalisation des récepteurs cytokiniques, selon qu’ils inhibent JAK1, JAK2 ou JAK3.
L’étude de phase III, RA-BEAM, conduite en double aveugle avec 4 mg/j de baricitinib, contre placebo et adalimumab (40 mg toutes les 2 semaines) chez 1 307 patients avec une PR, répondant insuffisamment au méthotrexate, a confirmé que cet inhibiteur de JAK1 et 2 ralentit la progression articulaire de la maladie et est plus efficace que le placebo, ou l’adalimumab, en termes de taux de réponses ACR 20 (70 % de répondeurs contre respectivement 40 % et 61 % à 12 semaines) (9). Cet inhibiteur de JAK semble assez bien toléré, mais 1 à 2 % des patients traités ont, dans cette étude, développé des zonas.
Un autre essai en aveugle, Oral-Strategy, qui a recruté 1 146 patients, a confirmé à 6 mois la non-infériorité du tofacitinib, inhibiteur de JAK1 et 3, à la dose de 5 mg deux fois/j en association au méthotrexate par rapport à la combinaison adalimumab et méthotrexate pour le score ACR 50 (taux de réponses de 46,0 % contre 43,8 %) (10). Cependant, petite déception, cet inhibiteur de JAK n’a pas démontré dans cette étude sa non-infériorité en monothérapie à l’association tofacitinib-méthotrexate ou adalimumab-méthotrexate. Les deux études de phase II Darwin 1 et 2, menées contre placebo avec le filgotinib, un inhibiteur sélectif de JAK1, ont également débouché sur des résultats favorables, en association avec le méthotrexate (Darwin 1), ou en monothérapie (Darwin 2) (11, 12).
Il reste difficile, pour l’instant, de savoir à quel profil de patients cette nouvelle classe thérapeutique pourrait être proposée en priorité. Mais, dans son avis du 21 juin 2017 sur Olumiant®, la Commission de la Transparence a recommandé un usage de cet inhibiteur de JAK en 3e intention, soit après échec des traitements de fond classiques et des autres biothérapies. Le point de vue de la Commission est que « le recul est plus important en termes d’efficacité et de tolérance pour les autres biothérapies » et qu’il existe malgré tout « des inquiétudes en termes de tolérance, notamment à long terme, du fait du nouveau mécanisme d’action des inhibiteurs de JAK ».
 

D’autres stratégies thérapeutiques à l’étude

D’autres biothérapies font l’objet d’essais cliniques comme un nouvel inhibiteur d’IL6, le vobalirizumab, dont la structure est originale. Il s’agit, en effet, d’un anticorps dont la partie variable est dirigée à la fois contre l’IL6 et la sérumalbumine humaine. Ce biomédicament devrait faire prochainement l’objet d’un essai de phase III, une première étude de phase IIB ayant suggéré qu’il permet d’obtenir une réponse intéressante en association au méthotrexate (13). D’autres équipes tentent d’agir sur la PR en s’opposant aux effets de la fractalkine, une interleukine favorisant le chimiotactisme et l’adhésion des leucocytes. Un anticorps anti-fractalkine a ainsi permis d’obtenir un taux de rémission de 40 % (14). Enfin, d’autres approches visent à stimuler la production de cytokines anti-inflammatoires plutôt que bloquer la synthèse de cytokines pro-inflammatoires (voir encadré). Un nouvel axe thérapeutique qui pourrait être prometteur.


(1) Filhol E et al. Abstract OP0146. EULAR, juin 2017. Madrid.
(2) Cordtz R et al. Abstract OP0251. EULAR, juin 2017. Madrid.
(3) Hugues B et al. Abstract OP0011. EULAR, juin 2017. Madrid.
(4) Chanroux L et al. EULAR, juin 2017. Madrid.
(5) Presberg Y et al. THU0646. EULAR, juin 2017. Madrid.
(6) Avouac J et al. SAT0163. EULAR,  juin 2017. Madrid.
(7) Glintgorg B et al. FRI0190. EULAR,  juin 2017. Madrid.
(8) De la Brosse S. Polyarthrite rhumatoïde : un traitement prometteur. Interview du Pr M.-C. Boissier. Paris Match. 17 janvier 2017.
(9) Taylor PC et al. N Engl J Med. 2017;376:652-62.
(10) Fleischmann R et al. Communication LB0003. EULAR, juin 2017. Madrid.
(11) Westhovens R et al. Abstract 1048. Congrès de l’American College of Rheumatology. Novembre 2015. San Francisco.
(12) Kavanaugh A et al. Ann Rheum Dis. 2017;76(6):1009-19.
(13) Dörner T et al. Abstract OP0098. EULAR, juin 2017. Madrid.
(14) Tanaka Y et al. SAT0187. EULAR, juin 2017. Madrid.

Agnès Florent

 
 
 


 

Agir en activant l’IL10, une cytokine anti-inflammatoire

L’interleukine 10 est une cytokine anti-inflammatoire qui joue un rôle de régulation dans la réaction inflammatoire en veillant à ce que celle-ci ne devienne pas excessive.
D’où l’idée d’utiliser cette cytokine en thérapeutique. Dans ce but, un médicament, le Dekavil®, a été mis au point. Il associe l’interleukine 10 à un fragment d’anticorps dirigé contre la fibronectine,
un marqueur d’angiogenèse, afin d’agir de façon plus ciblée sur le site de l’inflammation.
Une première étude de faisabilité de phase IB, entreprise sur 34 patients avec une PR mal contrôlée sous méthotrexate, laisse penser que ce biomédicament a effectivement une efficacité intéressante dans la PR.
Après 4 cycles d’injections hebdomadaires sous-cutanées de Dekavil® à doses variables (6 à 600 µg/kg) et en association au méthotrexate, 48 % des patients évaluables ont présenté une réponse ACR et/ou EULAR. De plus, 2 patients ont conservé une réponse ACR 70 durant plus de 12 mois (1). Le médicament a été bien toléré, même à sa dose la plus forte, 600 µg/kg, l’effet secondaire le plus fréquent étant représenté par des réactions d’intensité légère au site d’injection (62 % des patients).
Un essai de phase III devrait être mis en place pour confirmer ces résultats.
 
 

Source : lequotidiendumedecin.fr