C ONTRAIREMENT aux cellules germinales et à certaines cellules souches, la plupart des cellules somatiques sont considérées comme incapables de prolifération indéfinie. Ainsi, après un certain nombre de divisions en culture, elles arrêtent définitivement de se diviser, c'est la « sénescence réplicative ».
Certaines cellules humaines utilisent le raccourcissement de leurs télomères (extrémité des chromosomes) à chaque division cellulaire pour compter le nombre de divisions subies et arrêtent de se diviser en culture après 50 à 90 doublements.
Les cellules des rongeurs arrêtent de se diviser en culture après 10 à 15 doublements, mais par un mécanisme indépendant des télomères. En effet, elles conservent souvent des télomères longs et expriment la télomérase active.
Mais alors, par quel mécanisme ces cellules arrêtent-elles de se diviser ?
Deux groupes londoniens, dirigés par Raff et Loyd (MRC Laboratory for Molecular Cell Biology, Londres), viennent de démontrer que, dans des conditions de culture correctes, deux types de cellules de soutien du système nerveux du rat sont capables de proliférer indéfiniment.
Un milieu de culture sans sérum
Tang, Raff et coll. montrent que la plupart des précurseurs d'oligodendrocytes, prélevés sur le nerf optique de rats nouveau-nés, prolifèrent indéfiniment dans un milieu de culture sans sérum, si leur différenciation est inhibée (par l'absence d'hormone thyroïdienne).
Mahon, Loyd et coll. montrent, de même, que des cellules de Schwann, dérivées de nerfs sciatiques de rats nouveau-nés, prolifèrent indéfiniment dans un milieu de culture sans sérum, contrairement aux fibroblastes isolés simultanément autour de ces mêmes nerfs.
Dans les deux cas, les cellules deviennent immortelles, alors qu'elles conservent les points de contrôle (p53, Rb) du cycle cellulaire qui sont souvent inactivés par les mutations immortalisantes.
Lorsque ces cellules sont cultivées dans du sérum (20 %) ou traitées par de faibles doses d'agents génotoxiques (exemple : adriamycine), elles arrêtent de se diviser et entrent en sénescence.
Capables de proliférer indéfiniment
Ces résultats soulèvent la possibilité que d'autres types de cellules chez les rongeurs (exprimant l'activité de la télomérase) pourraient être capables de proliférer indéfiniment dans des conditions de culture appropriées.
Selon les Drs Shay et Wright (université de Dallas, Texas), auteurs d'un commentaire associé, « cette croissance illimitée reflète probablement une combinaison de composants dans le milieu de culture qui minimisent le "stress", dont des hormones appropriées et d'autres facteurs. Nous pensons que cette croissance illimitée représente une différence biologique fondamentale entre les cellules humaines normales (qui comptent les divisions cellulaires) et les cellules normales des rongeurs (qui ne comptent pas les divisions) ». Un homme de 70 kg vivant 80 ans doit être 14 000 fois plus résistant contre le développement du cancer qu'un rat de 200 g, vivant 2 ans, observent-ils.
Ces deux nouvelles études viennent à l'appui de la notion selon laquelle l'arsenal conventionnel d'une cellule - incluant les voies de réparation d'ADN et les enzymes antioxydantes - sont suffisantes pour protéger contre le développement du cancer durant la courte vie des petits organismes. En revanche, les organismes plus gros et vivant plus longtemps ont dû développer la sénescence réplicative pour assurer la protection considérablement supérieure qui leur est nécessaire pour leur longévité.
« Science Online », 19 janvier 2001, www.sciencemag.org
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