Nouvelle révision de la classification ICHD-3

Des critères diagnostiques pour plus de 350 céphalées primaires ou secondaires

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Publié le 05/04/2018
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céphalées

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Crédit photo : PHANIE

Publiée dans le dernier numéro de « Cephalalgia », la 3e édition de la classification de des maux de tête rédigée par la société internationale des céphalées (IHS) se veut une véritable bible en la matière.

Le nouveau et imposant texte, appelé ICHD-3, propose des critères diagnostiques pour plus de 350 céphalées primaires ou secondaires. Pour les non-spécialistes, la partie la plus importante du texte réside dans les descriptions des principales céphalées primaires : migraine simple, algie vasculaire de la face et céphalée de tension musculaire. « L'algie vasculaire de la face, que l'on pense rare, touche en réalité une personne sur 1 000 », précise au « Quotidien » le Pr Anne Ducros, du département de neurologie du CHU de Montpellier, qui a participé à la rédaction de l'ICHD-3. « Sa prise en charge est différente de celle des migraines simples, c'est pourquoi il est important que sa description soit largement répandue. Le diagnostic de ces céphalées repose sur l'interrogatoire », ajoute-t-elle.

« L'algie de la face est régulièrement confondue avec la névralgie du trijumeau », poursuit le Pr Ducros. L'algie de la face se caractérise par des crises de 15 à 180 minutes, plusieurs fois par jour, alors que les névralgies du trijumeau se traduisent par des crises allant de quelques secondes à quelques minutes. « La distinction est importante car la prise en charge est différente : la carbamazépine soulage rapidement un patient atteint d'une névralgie du trijumeau », détaille le Pr Ducros. Le texte lutte contre plusieurs idées reçues, comme le fait qu'une migraine s'accompagne nécessairement de nausées voire de vomissements, alors qu'un diagnostic peut être posé sur la seule base de la photosensibilité.

Les signes d'alerte

Le recours à un spécialiste est recommandé pour toutes les douleurs qui échappent aux critères diagnostiques des céphalées primaires : les céphalées chroniques qui durent depuis longtemps et ne peuvent s'expliquer par un changement récent de l'environnement, les douleurs strictement unilatérales accompagnées de rougeurs de l'œil ou d'obstruction des voies aériennes. Là encore, un diagnostic correct peut changer la donne pour un patient : « L'hémicrânie paroxystique chronique, par exemple, ne répond qu'à un traitement : l'Indométacine. Si on n'en repère pas les signes, le patient traîne inutilement sa douleur pendant des années », cite en exemple le Pr Ducros.

Selon l'ICDH-3, certains signes d'alerte peuvent conduire à penser qu'il s'agit d'une céphalée secondaire, à orienter vers des services d'urgence. « Une céphalée récente, de moins de 7 jours, chez quelqu'un qui n'a jamais de maux de tête et qui ne s'explique pas par quelque chose de trivial comme une céphalée de la face doit attirer l'attention, poursuit le Pr Ducros. Le diagnostic va dépendre du type d'installation. Si la douleur est arrivée brutalement, il peut s'agir d'une hémorragie alors que si elle s'est installée progressivement sur plusieurs jours, on va penser à une méningite, une méningo-encéphalite ou une hypertension intracrânienne. » Les recommandations préconisent la réalisation rapide d'examens complémentaires par l'imagerie ou une ponction lombaire.

Pour la première fois, des critères diagnostiques sont également proposés pour le syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible. Ce syndrome « est encore méconnu, mais pourtant fréquent, explique le Pr Ducros. Il s'agit de céphalée en "coups de tonnerre", qui peut être suspectée si le patient se plaint d'au moins 2 céphalées provoquées suite à un rapport sexuel ou un effort ». Le texte contient aussi de nouvelles informations diagnostiques pour mieux distinguer les migraines avec aura des effets d'un AVC transitoire.

Quelques nouveautés pour les spécialistes aussi

Les maux de tête causés par les voyages en avion, et qui disparaissent peu de temps après l'atterrissage, intègrent aussi pour la première fois l'ICHD-3. Par ailleurs le texte reconnaît maintenant que les maux de tête attribués à une dissection artérielle peuvent être persistants au-delà de 3 mois. Si le texte comprend beaucoup plus de définitions basées sur les preuves que les précédentes éditions qui s'appuyaient massivement sur les avis d'experts, certains points restent controversés. C'est notamment le cas des céphalées cervicogéniques provoqués par des troubles temporomandibulaires, dont la frontière avec les céphalées de tension reste floue.

ICHD-3 devait à l'origine être publié en même temps que la 11e classification des maladies de l'OMS. Face au retard pris par cette dernière, l'ICHD-3 a donc été publié seule. « Il y a une convergence entre notre classification et la CIM », explique le Pr Ducros, qui espère que leurs conclusions seront reprises par l'OMS, dans son travail qui doit s'achever en 2018.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9654