Le gène le plus important depuis quinze ans

Des mutations liées à la SLA

Publié le 28/02/2008
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

«NOUS SOMMES très excités par cette découverte. C'est le gène le plus important qui a été découvert pour la SLA depuis les quinze dernières années», explique au « Quotidien » le Dr Christopher Shaw, du King's College London à Londres, qui a dirigé ce travail.

«Les mutations de ce gène nous apprennent que la protéine TDP-43, qui s'accumule de façon anormale dans la SLA, peut être directement toxique vis-à-vis des neurones moteurs. Les mutations du gène étant rares, elles ne pourront pas être utiles pour un dépistage génétique répandu. » Cependant, ajoute-t-il, «l'identification de ces mutations génétiques signifie que nous pouvons développer de nouveaux modèles animaux et cellulaires de la SLA. Cela nous apportera une plus grande compréhension des mécanismes qui sous-tendent la dégénérescence des neurones moteurs et nous fait faire un pas vers le développement de thérapies plus efficaces».

La sclérose latérale amyotrophique (SLA), la plus fréquente des maladies neurodégénératives après la maladie d'Alzheimer, est caractérisée par une perte progressive des motoneurones dans le cerveau et la moelle épinière. Le décès survient généralement par insuffisance respiratoire après une évolution de un à cinq ans. Environ 10 % des cas sont familiaux et 90 % sont sporadiques.

Des mutations du gène SOD1 (découvertes il y a quinze ans) expliquent environ 20 % des formes familiales et 3 % des formes sporadiques de SLA. Les souris porteuses de la version humaine mutée du gène SOD1 développent une dégénérescence sélective des neurones moteurs due à un gain de fonction toxique.

Par ailleurs, des cas familiaux de SLA ont été liés aux chromosomes 18q, 16q et 20p, et des cas familiaux associant SLA à démence lobaire fronto-temporale (DLFT) ont été liés au chromosome 9. Toutefois, aucune mutation pathogénique n'a encore été identifiée dans ces familles.

Inclusions dans les neurones.

Récemment, la protéine TDP-43 (TAR DNA-Binding Protein) a été identifiée comme la principale protéine qui s'accumule dans les neurones des patients atteints de SLA (neurones de la moelle épinière) et des patients atteints de DLFT (neurones du cortex frontal et temporal) (« Science », 6 octobre 2006). Normalement présente dans le noyau des neurones, la TDP-43 était détectée, sous une forme fragmentée ubiquitinée, dans le cytoplasme des neurones des malades. La présence d'inclusions ubiquitinées indique une incapacité du protéasome à recycler les protéines endommagées.

D'autres chercheurs ont ensuite identifié des inclusions anormales de TDP-43 dans les neurones et les cellules gliales de tous les cas sporadiques et cas familiaux sans mutation de SOD1 qu'ils ont étudiés. En revanche, les formes pathologiques de TDP-43 n'ont pas été observées dans les formes familiales associées à des mutations de SOD1 (Mackenzie et coll. « Ann Neurol », mai 2007). Ces résultats soulevaient deux remarques :

1) le processus de mort des neurones moteurs pourrait être différent dans les formes avec mutation SOD1 et dans les autres formes de SLA ;

2) l'utilisation de modèles animaux porteurs de mutations SOD1 n'est peut être pas le meilleur modèle de SLA.

Le rôle de TDP-43 dans la neurodégénérescence restait toutefois incertain, et il reste à préciser quelle est la fonction normale de cette protéine nucléaire dans le système nerveux.

L'équipe du Dr Christopher Shaw (King's College London, Royaume-Uni) a recherché des mutations dans le gène TARDBP (encodant la TDP-43) chez 154 patients index affectés de SLA familiale.

SLA familiale et SLA sporadique.

Cette recherche a été fructueuse, à la différence de trois autres études qui s'étaient montrées négatives.

Une mutation dans une région conservée du gène TARDBP a pu être découverte chez une famille SLA ; cette mutation (M337V) est associée à la maladie dans la famille, et une étude génomique parmi les membres de la famille a confirmé que la liaison est restreinte au chromosome 1p36 où réside le gène TARDBP.

Les chercheurs ont ensuite étudié une série britannique de 200 cas de SLA sporadique, une série australienne de 172 cas de SLA sporadique, ainsi que plus de 1 200 témoins britanniques et australiens.

Deux autres mutations du gène TARDBP (Q331K et G294A) ont été identifiées chez un cas britannique et un cas australien de SLA sporadique, tandis qu'aucune mutation du gène n'a pu être détectée chez les témoins.

In vitro, les formes mutantes de TDP-43 se fragmentent plus facilement que les formes normales. Invivo, l'expression neurale des formes mutantes de TDP-43 dans des embryons de poulet provoque une mort par apoptose des neurones et un retard du développement.

«Nos résultats suggèrent que, même si les mutations sont rares, elles pourraient être liées pathogéniquement à la SLA», notent les chercheurs. «L'élucidation des processus biochimiques responsables de la fragmentation accrue de TDP-43 et de sa toxicité pour les tissus neuraux pourrait apporter de précieux éclaircissements sur les mécanismes pathologiques qui sous-tendent la SLA», ajoutent-ils.

Sreedharan et coll. « Sciencexpress », 28 février 2008.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8322