Le modèle franc-comtois

Des soins d’expertise au plus près des patients

Publié le 12/02/2015
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Comment délivrer, au plus près des patients, des soins reposant sur une expertise très pointue ? Voilà le pari relevé par les oncologues de Franche-Comté qui, depuis quelques années, ont développé un modèle d’organisation territoriale des soins particulièrement original.

« L’idée force du projet est d’assurer des soins d’oncologie qui allient la qualité et la proximité. Cela est particulièrement crucial dans une région comme la nôtre qui, dans certaines zones, a du mal à attirer les médecins ayant une certaine expertise », explique le Pr Xavier Pivot, chef du pôle de cancérologie au CHU de Besançon et expert sur la prise en charge du cancer du sein à la Fédération hospitalière de France (FHF).

Ce dispositif a été mis en place par l’institut régional fédératif du cancer de Franche-Comté (IRFC-FC), un groupement de coopération sanitaire (GCS) qui a été mis en place en 2008. Cet institut a pour mission de fédérer le travail des cancérologues et des directeurs d’établissements de santé dans la lutte contre le cancer « pour augmenter les chances de guérison des malades et leur garantir l’accès aux soins ».

Concrètement, le CHU de Besançon regroupe aujourd’hui une trentaine d’oncologues médicaux qui ont tous développé une expertise dans un domaine particulier. « Certains, dont je fais partie, sont spécialisés dans le cancer du sein. Pour d’autres, ce sont les cancers ORL, digestifs… C’est une évolution indispensable aujourd’hui si on veut proposer des soins de grande qualité. La cancérologie est devenue tellement complexe qu’il n’est plus possible d’avoir des oncologues capables de tout faire », souligne le Pr Pivot. Et c’est cette expertise qui est aujourd’hui proposée à l’ensemble des patients de Franche-Comté sans les obliger à aller en consultation au CHU de Besançon.

Tout au long de la semaine, les oncologues du CHU se rendent en effet sur cinq centres hospitaliers de la région : Belfort-Montbéliard, Vesoul, Lons-le-Saunier, Dôle et Pontarlier. « Par exemple, il y a aujourd’hui 7 à 8 oncologues qui sont spécialisés sur le cancer du sein au CHU de Besançon. Le lundi et le jeudi, ils sont tous sur le site du CHU. Mais le mardi, six vont au CH de Belfort-Montbéliard et le mercredi, ils se partagent entre les quatre autres sites. Sur place, ils reçoivent les patientes en consultation et délivrent des chimiothérapies », indique le Pr Pivot, en reconnaissant que cette organisation délocalisée des soins est évidemment facilitée par le caractère de plus en plus ambulatoire des traitements en cancérologie. « Aujourd’hui, la plupart des chimiothérapies sont délivrées sous la forme de comprimés ou de perfusions courtes. Cela peut donc se faire sans problème dans ces centres hospitaliers. Certaines chimiothérapies sont certes plus longues. Pour traiter un cancer des testicules, il faut compter cinq jours d’hospitalisation. Dans ce cas, on rapatrie les patients à Besançon », indique le Pr Pivot.

Régler les problèmes de démographie médicale

Ce dispositif, conduit en lien avec l’Agence régionale de santé (ARS), a aussi permis de régler les problèmes de démographie médicale. « Avant, il n’était pas toujours facile pour un centre hospitalier un peu isolé de recruter un oncologue médical. Sur ce point, un CHU est forcément plus attractif. Donc ces hôpitaux nous ont fait don d’un certain nombre de postes de PH. Par exemple, Pontarlier nous a donnéun poste. Le médecin a été recruté par le CHU, mais l’hôpital de Pontarlier a récupéré en temps médical l’équivalent de son poste de PH », explique le Pr Pivot, en ajoutant que ce dispositif permet d’attirer des oncologues spécialisés. « Certes, ce n’est pas toujours très confortable de se balader sur 3 ou 4 sites différents dans la semaine. Mais l’oncologue aura l’assurance de ne voir que des patients dans son domaine d’expertise. Si je veux recruter un oncologue spécialisé sur les sarcomes, je peux lui dire : si tu viens en Franche-Comté, tu auras l’assurance de voir tous les sarcomes de la région ».

D’après un entretien avec le Pr Xavier Pivot, chef du pôle de cancérologie au CHU de Besançon et expert sur la prise en charge du cancer du sein à la fédération hospitalière de France (FHF)

Antoine Dalat

Source : Bilan spécialistes