Dr Anne Prudhomme : « Un retentissement psychologique majeur de la BPCO chez les femmes »

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Publié le 09/11/2017
Anne Prudhomme

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« La quantité des données cliniques sur le sujet "femmes et BPCO" est de nos jours encore trop faible : elles sont sous-représentées dans les études alors que la moitié des malades sont des femmes. Ce constat est d’autant plus frustrant qu’il existe des spécificités chez les femmes », explique la Dr Anne Prudhomme, pneumologue CHR Tarbes, coresponsable du groupe femme/santé respiratoire de la SPLF.

L’étude Vitalité (1) a bien mis en évidence que les manifestations cliniques de la BPCO, sont différentes chez les femmes et chez les hommes. Descriptive, multicentrique, elle a été réalisée en France sur une année. 146 pneumologues ont participé et 410 patients BPCO ont été inclus : 247 femmes et 183 hommes.

Les résultats ont montré une expression clinique de la BPCO différente chez les femmes et les hommes. Les symptômes de la maladie, à tabagisme égal, sont plus importants et plus sévères chez les femmes.

À niveau d’obstruction bronchique égal, une femme sera également plus essoufflée qu’un homme. Elles ont également plus de risques de faire une exacerbation et sont plus souvent hospitalisées. Leur qualité de vie est donc plus altérée que chez les hommes. Parmi les facteurs très pénalisants, étaient évoquées la toux, la dyspnée et les expectorations.

Anxiété et dépression : des signes révélateurs

Les comorbidités doivent absolument être recherchées. Dans l’étude Vitalité, il a été montré que les femmes étaient plus sujettes à l’ostéoporose, à l’anxiété et à la dépression qu’aux maladies cardiovasculaires, contrairement aux hommes.

« La BPCO a un retentissement psychologique majeur chez les femmes. L’anxiété et la dépression sont des comorbidités fréquentes de la maladie, potentiellement révélatrices de la pathologie » souligne la Dr Anne Prudhomme.

Une autre étude (2), menée chez 116 patients atteints de BPCO dont 53 % de femmes en consultation ambulatoire, a ainsi évalué la prévalence des troubles psychiatriques (anxiété et dépression). Elle est égale à 49 % chez les patients BPCO versus 31 % dans la population générale. Parmi les patients BPCO, ces troubles touchaient plus souvent les femmes (60 %). En ce qui concerne plus spécifiquement les troubles anxieux, 56 % des femmes BPCO en souffraient, vs 35 % des hommes (p = 0,04).

Plus d'exacerbations et d'hospitalisations

Ces troubles anxieux et dépressifs ont de nombreuses conséquences pour les patientes BPCO : augmentation de la fréquence des exacerbations, des hospitalisations, prolongation de la durée d’hospitalisation. Ils sont aussi un facteur majeur de risque de réhospitalisation. Les troubles anxieux altèrent, bien sûr, considérablement la qualité de vie, la réduction de la tolérance à l’effort et aggravent la sensation de fatigue (3).

La prise en charge de la BPCO doit donc être globale et traiter la maladie en même temps que les comorbidités. Pour évaluer l’ostéoporose, une ostéodensitométrie doit être réalisée et le traitement corticoïde doit être minimisé.

Enfin, la sévérité de l’obstruction bronchique chez les femmes augmente le risque de cancer pulmonaire, qui est multiplié par 2,23 chez l’homme versus 3,97 chez la femme (4). La BPCO a, par ailleurs, un impact négatif sur la survie en cas de cancer (5).

(1) Raherison C et al. Clinical characteristics and quality of life in women with BPCO : an observational study. BMC Women’s Health 2014,14:31

(2) Lourin C et al. Sex differences in the prevalence of psychiatric disorders and psychological distress in patients with COPD. Chest 2007;132;148-155

(3) Ninot G. Rev Mal Respir 2011 Jun;28(6):739-48

(4) Wasswa-Kintu S. Relationship between reduced forced expiratory volume in one second and the risk of lung cancer ; a systematic review and meta-analysis. Thorax 2005;60:570-5

(5) Cavailles A et al Comorbidities of COPD. Eur Respir Rev 2013;22;454-75

Christine Fallet

Source : lequotidiendumedecin.fr