Vies de médecin

Dr Pierre Le Franc : la chasse à cœur

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Publié le 17/08/2017
le franc

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Crédit photo : D Gest

Le scénario pourrait s'écrire ainsi…

Dans une forêt des environs de Rouen, à l’aube un samedi matin :

La mince silhouette se faufile entre les arbres, doucement et sans bruit. Sa tenue lui permet de se fondre dans la nature. À l’orée d’une petite clairière, elle s’allonge et prend position sur l’humus réchauffé par les rayons du matin. La magie du soleil illumine les feuillages d’un vert particulièrement tendre. L’attente commence.

À la clinique Saint-Hilaire de Rouen, un début d’après-midi, en semaine :

Silhouette droite, regard foncé, cheveux poivre et sel, l’homme en impose dans son grand bureau. Le blanc prédomine. La décoration est presque austère… si ce n’est une double et curieuse étagère. Elle capte d’emblée l’attention et occupe les trois quarts du mur de droite. D’aspect plus ou moins métallique, et de dimension globalement identique, 397 pacemakers y sont exposés (voir encadré).

Comment Pierre Le Franc est-il devenu cardiologue et chasseur ?

Rembobinons !

La médecine comme évidence

Même s’il n’y a aucun médecin (ni même de chasseur !) dans la famille du Dr Le Franc, le choix de la médecine s’est imposé telle une évidence. « Comme beaucoup d’ados qui rêvent de soigner, je me suis engagé dans la Croix-Rouge. » Il quitte Paris pour Lille où il fait un internat en cardiologie et un clinicat en rythmologie. « Comme nombre de Lillois j’ai voulu descendre dans le Sud et c’est comme cela que je me suis retrouvé à Rouen ! La clinique Saint-Hilaire cherchait quelqu’un pour développer les pacemakers et la rythmologie interventionnelle, ce que je fais, ici, depuis 15 ans. » Rouen (et ses alentours) est une région traditionnellement de chasse, le cardiologue se doit de poser la question à ses patients. « Est-ce que vous chassez ? » Dans l’affirmative « De quel côté épaulez-vous ? » Si d’aventure, le patient-chasseur épaule à droite, le pacemaker est mis à gauche et inversement.

Le Dr Pierre Le Franc a toujours aimé l’immersion en pleine nature et ce, bien avant de découvrir la chasse. Balades et randonnées se font le long des sentiers balisés ; la chasse, elle, oblige à enjamber, à traverser haies, ronces, sous-bois et cours d’eau. « C’est à Rouen, à travers la passion d’amis chasseurs que j’ai découvert cet univers. » Le médecin ainsi initié, découvre les chasses à courre dont le décorum nécessite d’être un bon cavalier. Il s’essaye à l’équitation mais fait une telle chute, qu’il jure ne jamais plus monter à cheval. Pierre Le Franc n’a jamais tenu d’arme à feu auparavant. Sur incitation d’un ami chasseur, il passe son permis et achète son premier fusil. Deux autres suivront dont l’un dédié au ball-trap. Si le cardiologue affirme n’éprouver aucune fascination pour les armes, la chasse, en revanche, est devenue une passion dévorante et chronophage. « Je chasse par tous les temps, sous la neige, parfois par moins dix degrés. » François, l’un de ses compagnons de chasse raconte : « Pierre est très précis en action de chasse, il est rigoureux, appliqué et sérieux. Il sait apprécier les belles et bonnes choses ! C’est un vrai gastronome. J’ai fait du foie gras avec lui. J’ai pu admirer sa minutie et sa patience. »

Progressivement, le praticien s’efface et laisse place au chasseur : « Voir courir un cerf dans la forêt est un spectacle magnifique. Lors d’une chasse dans laquelle j’étais dans le rabat, donc sans arme, nous avancions en ligne droite pour faire partir les animaux. Un grand cerf a été débusqué d’un buisson dans lequel il se cachait. Il a parcouru toutes les lignes sans trouver d’issue. Il est passé à 5 mètres de nous, et même dans la pénombre, le spectacle était magnifique. Il avait des reflets presque bleutés. Ses bois étaient extrêmement développés ! C’était au moins un dix cors ! Personne n’a tiré. Nous étions subjugués tellement il était beau. Un cerf comme cela, c’est rare de pouvoir le contempler pendant plus d’une minute. » Aucun doute, Pierre le Franc a la chasse à cœur. Il évoque les différentes techniques dont celle en battue. Ses explications vous portent à imaginer la scène, entendre le galop de l’animal et les tirs appelés réflexes. Mais, pour le médecin-chasseur, la chasse la plus belle, la plus magique c’est celle de l’approche.

Chasseur d’images

Le Dr Le Franc aime aussi chasser armé de son seul appareil photo. Cette passion l'a conduit à devenir membre du club de la chasse et de la nature de Paris. L’objectif de ce club est de protéger et de promouvoir la nature à travers tous ses aspects. Il réunit les chasseurs et amoureux de la nature. Uniquement armés d’appareils photo, des battues blanches sont organisées pour les chasseurs d’images animalières. Pierre Le Franc se remémore avec plaisir son premier safari-photo en 1993 en Afrique, munie de son seul Minolta argentique. Plus tard en 2004 c’est toute la famille qui devient chasseur d’image en réserve et hors réserve. Une expérience exceptionnelle en immersion totale dans la nature.

Plus récemment la famille s’est retrouvée en Tanzanie pour observer des félins. « Nous avons vu une lionne en chasse, c’est une approche magnifique ! Nous avons pu observer un léopard attraper sa proie et la transporter sur un arbre pour la dévorer. » Qu’il soit chasseur d’image ou chasseur tout court, le même entrain gagne Pierre Le Franc. Le besoin de nature prime. D’ailleurs, il assure ne pouvoir s’en passer. « Je pourrais arrêter la chasse, même si elle finirait par me manquer, mais le manque véritable serait l’absence de lien avec la nature. La chasse est un plaisir et la nature un besoin », ainsi parle le cœur du chasseur.
 

Article initialement publié le 8 juin 2017


 

Annick Bernhardt-Olivieri

Source : lequotidiendumedecin.fr