Embryon : la colle de l'adhésion initiale à l'utérus est découverte

Publié le 16/01/2003
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De notre correspondante
à New York

« C'est comme une balle de tennis roulant sur une surface enduite de sirop », fait observer, dans un communiqué, le Dr Susan Fisher (université de San Francisco), qui a dirigé ces travaux. « Le voyage de l'embryon le long de la paroi utérine est progressivement arrêté par l'interaction collante. »

L'implantation de l'embryon dans l'endomètre, cruciale pour que la grossesse commence, conserve pour nous bien des mystères. Par exemple, comment l'œuf fécondé s'accroche-t-il à la paroi utérine, durant la courte période où cela est possible ? Genbacev, Fisher et coll. ont élucidé le mécanisme d'adhésion initiale, première étape indispensable pour qu'il y ait nidation.

Comme les lymphocytes et l'endothélium

La raison de cette découverte est l'astucieux rapprochement, par les chercheurs, entre, d'une part, l'adhésion des lymphocytes à l'endothélium vasculaire, avant leur migration dans les tissus enflammés, et, d'autre part, l'adhésion de l'œuf fécondé à l'endomètre. Dans les deux cas, l'adhésion cellulaire survient dans le contexte d'un flux. Or on sait depuis dix ans environ que, dans les vaisseaux, les leucocytes circulants adhèrent à l'endothélium grâce à une interaction entre des L-sélectines a leur surface et des carbohydrates spécifiques sur l'endothélium. Cela permet une première adhésion instable car la L-sélectine fixe brièvement ces carbohydrates, si bien qu'il survient une série de fixations qui, progressivement, ralentissent le leucocyte jusqu'à son arrêt. Il s'ensuit alors une activation des intégrines qui entraînent une adhésion solide.
Dans l'utérus, l'embryon au stade de blastocyte, porté par le flux de mucine, est d'abord capté par l'endomètre d'une manière instable. Il est facilement délogé. Puis, vite, l'embryon adhère solidement à la paroi utérine, et les trophoblastes (la couche cellulaire externe de l'embryon) migrent à travers l'endomètre pour former le placenta. Ainsi, les chercheurs se sont demandé si les mécanismes d'adhésion pourraient être semblables.

Carbohydrates et sélectine

Dans un premier temps, l'équipe a cherché à savoir si l'endomètre récepteur exprime à sa surface des ligands de la sélectine. Ils ont recueilli des biopsies d'endomètre (six donneuses) prélevées en phase lutéale (réceptrice) et en phase folliculaire (non réceptrice). En utilisant des anticorps qui reconnaissent les carbohydrates ligands, ils ont constaté que l'endomètre augmente en effet son expression de carbohydrates qui interagissent avec la L-sélectine lorsque l'utérus est réceptif à l'implantation.
Dans un deuxième temps, ils ont voulu savoir si la couche externe du blastocyte - les trophoblastes - exprime la L-sélectine. Réponse positive : les trophoblastes commencent a exprimer la L-sélectine dès que le blastocyte s'est libéré de sa membrane pellucide.
Dans un troisième temps, les chercheurs ont démontré que cette interaction entre la L-sélectine et ses ligands carbohydrates est bien fonctionnelle.
« Ces résultats suggèrent que la L-sélectine des trophoblastes médie les interactions avec l'utérus et ce mécanisme pourrait être crucial pour établir une grossesse », concluent Genbacez, Fisher et coll.

Infertilité, fausse-couche, pré-éclampsie

Des causes d'infertilité et de fausses couches précoces restent souvent inconnues. Trois quarts des fausses couches sont dues à un échec d'implantation de l'embryon. « Des anomalies dans le système d'adhésion de la sélectine pourraient être responsables d'une portion des échecs de la reproduction », notent-ils.
L'équipe et l'université ont déposé un brevet d'utilisation de la L-sélectine pour diagnostiquer si une femme est capable de devenir enceinte et pour distinguer les causes d'infertilité. Des anomalies du système d'adhésion de la sélectine pourraient aussi être en cause « dans les déficits d'invasion des trophoblastes, lesquels sont associées a des complications de grossesse comme la pré-éclampsie ».
La pré-éclampsie est la première cause de décès pendant la grossesse dans le monde industrialisé. Au cours de cette complication, qui survient dans près de 10 % des premières grossesses, le placenta ne s'attache pas correctement a la paroi utérine, privant le fœtus d'oxygène et mettant en jeu le pronostic vital de la mère.
« Genbacev et coll. ont intelligemment appliqué les leçons apprises de la biologie vasculaire pour élucider les molécules intervenant dans le premier pas de l'implantation », commentent, dans un article associe, les Drs Fazleabas et Kim (université de Chicago).

« Science », 17 janvier 2003, pp. 405 et 355.

Dr Véronique NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7254