Très médiatisée en 2018, l'opération de recrutement du centre de santé multisite de Saône-et-Loire a donné des idées aux élus corréziens qui ont lancé leur propre plan « ambition santé Corrèze ». Au menu, la même recette principale : l’édification à Égletons d’un centre départemental de santé sous l’enseigne « Corrèze Santé » avec trois antennes – l’une en Haute-Dordogne, les deux autres sur le plateau de Millevaches – permettant aux médecins recrutés de rayonner sur le territoire.
Restait à trouver les généralistes : à cet effet, le conseil départemental a lancé en février l'opération « Prescrivez la Corrèze, c'est bon pour la santé ». Son président (LR) Pascal Coste a signé en personne une lettre adressée à 50 000 praticiens de toute la France – sauf la Corrèze et la Saône-et-Loire – leur exposant les avantages à s’installer sur ses terres.
5 000 euros net, 39 heures
Le courrier proposait un salaire fixe – 5 000 euros net par mois, 39h par semaine – et divers avantages – aide pour trouver une école pour les enfants, un travail au conjoint ou encore un logement. Au total, dix généralistes étaient recherchés, dont six pour le seul centre et quatre pour les antennes.
L’initiative n'a pas été épargnée par les critiques, certains voyant une façon peu élégante de débaucher des médecins libéraux déjà installés, risquant de créer de facto d’autres déserts médicaux. « On déshabille Paul pour habiller Jacques », a même taclé le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML Syndicat. Dans la presse locale, des généralistes ont avancé l’idée que « que quand le désert avance, tous les coups sont permis ». Mais le conseil de l’Ordre de Nouvelle Aquitaine et l’agence régionale de santé (ARS) n’ont énoncé aucune objection, toutes les initiatives visant à freiner la désertification médicale étant regardées d’un œil favorable.
Pérennité
Le président corrézien, Pascal Coste, assume pleinement sa démarche offensive de salariat. « Quand on fait venir à Brive de grandes entreprises nationales telles Fipso ou Chronopost, on le fait bien au détriment d’autres villes… Ici, beaucoup de gens n’ont pas de médecin traitant, et les moyens sont en proportion avec l’objectif santé ! »
Le Dr Christophe Beaubatie, placé à la tête du centre médical, dresse un constat positif de cette opération de recrutement, quelques mois avant la mise en route opérationnelle. « Le dispositif est financé par le conseil départemental qui a voté le budget, souligne-t-il. Sa pérennité est donc assurée. Nous ouvrons notre centre le 1er septembre afin de laisser le temps aux praticiens de déménager et de préparer la rentrée scolaire. Les effectifs médicaux espérés ont été atteints, ou sont en passe de l’être, les derniers arrivés devant être en poste au 1er janvier 2020. Il y aura en complément sept autres emplois créés pour faire fonctionner l’ensemble, les horaires étant déjà affichés. »
Démographie déclinante
Le centre départemental multisite s'inscrit dans un plan d'accès aux soins plus vaste, qui inclut le soutien aux internes, à des cabinets privés ou à des installations rurales. Le temps presse puisque 35 % des généralistes de Corrèze ont plus de 60 ans – au moins 70 médecins devant partir en retraite d’ici 2022. Selon ses inspirateurs, « Prescrivez la Corrèze » ne manque pas d’arguments : qualité de vie, certitude de cabinets viables, attractivité touristique, culture, loisirs, etc. « Nos atouts sont nombreux », assure le Dr Beaubatie.
Reste à équilibrer le coût de l'aménagement du centre, les salaires des dix généralistes et des employés, les frais de fonctionnement, de recrutement et les autres dépenses inévitables... Côté recettes, le département mise sur les consultations médicales, les subventions de l'assurance-maladie pour les missions de santé publique et les aides possibles des collectivités locales. En terre corrézienne, comme partout ailleurs, la santé a son prix.
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