« En France, on a un rapport à l’abstinence compliqué » : une généraliste promeut le mois sans alcool

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Publié le 03/01/2020
Alcool

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Crédit photo : GARO/PHANIE

Quand elle a appris que le gouvernement ne soutiendrait pas le défi du mois sans alcool, calqué sur le Dry January lancé en 2013 en Angleterre, son sang n’a fait qu’un tour. « C’est scandaleux, fulmine le Dr Brigitte Tregouet, l’État n’a pas fait son boulot, cela m’a donné envie de m’engager. » La généraliste de La Roche-sur-Yon (Vendée) a décidé de s’associer à l’opération, maintenue par l’association Dry January France avec le soutien d’addictologues, malgré la défection des autorités sanitaires françaises.

« Le mois sans alcool, cela ne veut pas dire que les moralisateurs sont de retour, explique le Dr Tregouet. Tout le monde sait qu’il ne faut pas manger des frites tous les jours mais en France, on a un rapport à l’alcool problématique ou plus précisément un rapport à l’abstinence compliqué. »

Un message sur les ordonnances

La généraliste en veut pour preuves les récits de nombreux patients, en consultation, expliquant combien il leur est difficile de ne pas boire du fait de la pression sociale. « Certains me disent que quand ils ne consomment pas d’alcool au boulot, on leur fait des réflexions, observe la médecin. Un homme qui ne boit pas est considéré comme faible, pas viril, c’est extrêmement violent. »

Quelques jours après qu’Emmanuel Macron a annoncé, le 14 novembre dernier, lors d’un déplacement sur les terres viticoles de Champagne, qu’il n’y aurait pas de « Janvier sec », la généraliste a pris le taureau par les cornes. Début décembre, elle annonçait sur Twitter avoir modifié l’en-tête de ses ordonnances pour signifier à ses patients que le cabinet soutenait cette manifestation de santé publique.

 

 

Le Dr Tregouet espère ainsi ouvrir le dialogue avec ses patients sur cette problématique. « Le défi ne s’adresse pas aux patients alcooliques mais plutôt aux personnes qui ne sont pas dépendantes, qu’ils soient ouvriers ou CSP+, et n’osent pas s’imposer en société dans une sobriété provisoire », analyse-t-elle.

Faire simple cette année

Pour cette première participation, la généraliste va faire simple. « Nous n’aurons pas d’affiches ou de prospectus de Santé Publique France donc je téléchargerai les affiches que je mettrai dans la salle d’attente de la maison de santé» Elle imagine un dispositif plus étoffé l’an prochain, en lien avec l’infirmière Asalée et, espère-t-elle, avec le soutien des autorités.

Le Dr Tregouet estime « courageuse » l’initiative de l’association Dry January France de poursuivre l’opération cette année et espère qu’en 2021, tous les acteurs travailleront main dans la main avec Santé Publique France et les fédérations d’addictologues. « Nous, médecins de famille, avons besoin d’un soutien pour aborder ce sujet récurrent, conclut la généraliste. Beaucoup de cancers sont liés à une consommation excessive d’alcool. Nous savons comment prendre en charge les patients alcoolodépendants mais plus mal les gens moins dépendants. »


Source : lequotidiendumedecin.fr