En montagne, des médecins généralistes correspondants du Samu participent à la prise en charge des patients en détresse vitale. La saison des sports d’hiver correspond à leur pic d'activité. Reportage à Avoriaz.
Mardi 17 décembre, milieu de matinée. À Avoriaz, en Haute-Savoie, le thermomètre affiche neuf degrés. Un redoux très clément ! Les premiers skieurs de la saison profitent des pistes peu fréquentées. Au cabinet médical de la station de ski, ouvert sept mois par an, sept jours sur sept, la salle d’attente est à l’avenant : quatre patients à peine. Que de l’aigu. Des petits maux d’hiver. De la traumatologie aussi. Une jeune femme se présente après une chute en surf des neiges. Le Dr Bernard Audema, 60 ans, la prend rapidement en charge. Suspicion de fracture des poignets. Une mécanique bien rodée se met en place : prise de clichés par une manipulatrice radio, interprétation puis, une fois le diagnostic posé, mise en place d’une orthèse par l’une des deux infirmières salariées du cabinet. La patiente pourra bientôt rentrer chez elle. Un savoir-faire d’une redoutable efficacité.
À la fois MG et professionnel de l’aide médicale d’urgence
De fait, la médecine de montagne s’est organisée depuis plus d’un demi-siècle sur la réponse à la demande de soins des populations éloignées des plateaux techniques. « Cette spécificité nécessite un matériel adapté, partage le Dr Audema, l’un des quatre praticiens exerçant à Avoriaz et président de l’association Médecins de montagne Rhône-Alpes : radiologie, échographie, matériel pour des urgences tels que scopes et défibrillateurs. » Une expérience propice au développement d’un partenariat avec l’aide médicale urgente (AMU). La veille, son collègue, le Dr Jean-Marc Bertrand, 50 ans, a ainsi été contacté par le 15 d’Annecy pour venir en aide à deux touristes : l’un a été victime d’un infarctus, le second d’un choc anaphylactique. Arrivé le premier sur les lieux, plus de vingt minutes avant l’hélicoptère du SMUR – et plus d’une heure avant les véhicules terrestres ! –, le praticien a prodigué les premiers soins avec l’appui d’une infirmière. Sa formation de médecin correspondant du Samu (MCS) lui a notamment permis de pratiquer une thrombolyse. « Chaque MCS a l’obligation de suivre deux jours de formation par an », partage le Dr Gaël Ghéno, médecin responsable du Centre d’enseignement des soins d’urgence du CH d’Annecy. L’accent est mis sur les traumatismes sévères, les syndromes coronariens aigus et la sédation. L’enjeu : stabiliser un patient et gérer sa douleur, dans l’attente d’un transfert. Né en zone montagneuse, le concept des MCS (exerçant essentiellement dans des zones où le délai d’intervention du SMUR est supérieur à 30 minutes) est monté en puissance sous le quinquennat de François Hollande. Il en existe aujourd’hui dans plusieurs régions. L’Auvergne-Rhône-Alpes (AuRA), forte de 285 professionnels labellisés, reste de loin le territoire le mieux doté.
3 000 interventions par an pour 285 médecins correspondants
Midi. Des pisteurs sollicitent une intervention. Le Dr Bertrand enfourche une motoneige pour rejoindre un hélicoptère qui le conduit auprès d’une skieuse. Luxation d’épaule. Un antalgique lui est directement délivré en intraveineuse. La radio, au cabinet, confirmera une lésion de la coiffe des rotateurs. Une hospitalisation n’est pas nécessaire. Aussi, les actes du praticien ne seront pas comptabilisés dans les 3 000 interventions annuelles des MCS d’AuRA. Le portrait type de ces généralistes ? Installés dans des zones rurales ou montagneuses, certains exercent seul en cabinet, d’autres en maisons de santé ou en cabinet de montagne, comme à Avoriaz. « 50 % ont moins de 40 ans », se félicite le Dr Audema. La pratique attire les jeunes professionnels désireux d’explorer leur discipline dans sa diversité. En AuRA, les MCS sont payés 250 euros par intervention et perçoivent la nuit une astreinte de 100 euros, complémentaire à celle de la permanence des soins ambulatoires. Leur équipement est pris en charge par l’Agence régionale de santé. Soit 18 000 euros pour un paquetage comprenant du matériel biomédical, des dispositifs médicaux et des médicaments – certains issus de la réserve hospitalière – dont l’assortiment et le réassort sont coordonnés par le CHU de Grenoble. Enthousiaste, l’Agence de santé loue l’efficacité des MCS, confirmée par de premières évaluations sur leurs délais d’intervention. Un modèle d’organisation à projeter dans d’autres territoires ? « Cette organisation est un succès en montagne. Il n’est pas évident qu’elle soit pertinente en zone urbaine dense, où les délais d’intervention des SMUR sont courts », analyse le Pr Guillaume Debaty, responsable du pôle Urgences au CHU de Grenoble.
Fin de journée. Le cabinet comptabilise une trentaine de consultations. Aucune au titre des MCS. Au plus fort de la saison, les Dr Audema et Bertrand, et leurs deux collaborateurs, accueilleront jusqu’à 120 patients, et seront sollicités plusieurs fois par le 15. Le reste de l’année, ils partageront leur temps entre des permanences à Avoriaz et d’autres activités, dont de la régulation médicale. Et en profiteront aussi pour lever le pied !
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature