Des progrès ont-ils été enregistrés en termes de diagnostic des maladies rares ?
L'errance diagnostique reste très importante. Elle est la thématique au cœur du troisième plan maladies rares car elle dépasse encore cinq ans, et se situe à 80 % dans le réseau primaire de soins. Par ailleurs, à date, et en dépit des progrès techniques existants, nous n’avons pas rendu possible l’accélération du diagnostic néonatal en France et plusieurs raisons, notamment d’ordre éthique, ont été mises en avant. Cette priorité n'a ainsi pas été retenue dans la loi bioéthique. C'était pourtant une des mesures phares du PNMR3. Il y a là une peur et une méconnaissance. La discussion a été très virulente au Parlement. Certains députés ont même évoqué une dérive vers l'eugénisme ! C’est regrettable pour les malades et les familles, une opportunité manquée.
Est-ce l'importance du facteur religieux en France ?
Dans des pays comme la Grèce, 35 diagnostics néonataux ont été mis en place. En France, faute de pouvoir l’expliquer, on peut regretter cette perte de chance pour les enfants et la société. Prenons l'exemple de la MCAD, déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne, maladie héréditaire caractérisée par des crises métaboliques rapidement progressives, présentant souvent une hypoglycémie hypocétosique, une léthargie, des vomissements. Le principe d'un dépistage néonatal avait été validé en 2013. Il sera effectif seulement en 2020.
Au-delà du dépistage, la France accuserait également un retard important en recherche fondamentale ?
Cet état des lieux n'est pas spécifique aux maladies rares, victimes collatérales de la perte d'attractivité de la recherche en France. La recherche académique est de grande qualité. C'est le relais vers la recherche translationnelle qui s'opère difficilement. Quant à la recherche clinique, elle est handicapée par la complexité administrative, même si des progrès dans ce domaine ont été enregistrés. C'est pourtant l'une des deux voies d'accès prioritaires à l'innovation thérapeutique avec le dispositif des ATU.
Faut-il se féliciter des nouvelles dispositions concernant l'ATU ?
Les récentes dispositions législatives qui viennent d'être adoptées dans le cadre du PLFSS 2020 si elles sont confirmées sont pour le moins délétères pour les maladies rares. Elles restreignent le champ d'application des ATU nominatives et, par conséquent, augmentent les délais d’accès des patients aux traitements. Or les maladies s'aggravent souvent en l'absence de prise en charge. Pendant que d’autres pays avancent, la France ne suit malheureusement pas le même chemin.
Quelles sont aujourd'hui les voies thérapeutiques en vue dans les maladies rares ?
La thérapie génique soulève de nombreux espoirs avec la publication attendue de nombreux essais cliniques où Sanofi Genzyme est aussi impliqué. La technique CRISPR-Cas 9 est un véritable couteau suisse avec de nouveaux développements en thérapeutique. Des méthodes, plus ciblées, en dérivent lorsqu'une seule base doit être modifiée. Pour autant, ces espoirs de guérison se heurtent aujourd'hui à l'absence de consensus sur leur mode de financement. Les contrats de financement lié à la performance peinent en France à se diffuser. Comment rémunérer des traitements au juste prix pour une seule injection alors que le prix estimé serait de l'ordre au moins d’un million d'euros ? L'une des hypothèses serait de payer le traitement sur plusieurs années et en fonction de l’efficacité avérée ou non du traitement sur le long terme. L'efficacité en effet se prolonge sur le long terme, comme en témoignent les essais menés dans l'hémophilie où l'on dispose d'un recul de plus de douze ans. Ces réussites vont se multiplier. Il faut donc repenser le modèle.
Genzyme lors de sa création s'était dévolu aux seules maladies rares. Aujourd'hui, le laboratoire étend son champ de recherche à des pathologies chroniques comme le cancer. Comment tient-on les deux bouts ?
Le modèle de Genzyme a toujours été de répondre à des besoins thérapeutiques non couverts. Cela s'applique parfaitement à d'autres aires thérapeutiques, à l'oncologie par exemple où les besoins non couverts sont importants. La prise en charge du cancer est d'ailleurs en voie de changement avec des traitements qui seront personnalisés, pour des sous-types de maladies aux effectifs limités. Ce modèle est tout aussi pertinent dans la dermatite atopique où encore récemment les patients étaient en attente d'une avancée thérapeutique. À l'heure de ces traitements personnalisés, ce sont bien les principes et les enjeux des maladies rares qui ont largement inspiré l'ensemble des spécialités médicales, et la recherche.
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