Le portrait du mois/chirurgien hôpital Paul- Brousse (AP-HP)

Eric Vibert. Incontrôlable

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Publié le 04/11/2021

Un professeur de médecine ne devrait pas dire ça… Éric Vibert, tout juste 50 ans, spécialiste de la transplantation hépatique, est incontrôlable. Lorsqu’un médecin rédige un livre, l’exercice relève en général moins de la littérature que de l’art de la sculpture, à savoir ériger sa propre statue où l’on aura pris soin d’offrir aux confrères, aux patients anciens et futurs son profil le plus avantageux. La vérité, la transparence ne sont pas inscrits au cahier des charges. Ici, l’auteur ne dissimule rien de ses erreurs, des essais non menés à terme, de ses burn-out, résultat de nuit sans sommeil avant d’atteindre le Graal, le titre de PU-PH si longtemps désiré. Cerise sur la transgression, Éric Vibert commet le parricide symbolique. Un ouvrage publié suscitera certes la jalousie de ses chers confrères mais rarement la bronca de ceux qui y sont dépeints. Avec Éric Vibert, c’est pourtant ce qui s’est produit. Le Pr Henri Bismuth, gloire de la chirurgie hépatique française et fondateur du centre de chirurgie hépato-biliaire de l’hôpital Paul-Brousse n’aurait pas été flatté par le portrait brossé par son ancien élève. Diable, la règle édictée depuis Hippocrate est pourtant de dresser le plus bel hommage à ses anciens professeurs, quoi qu’il vous en coûte. L’Académie nationale de chirurgie a saisi l’occasion pour rappeler à son membre éminent quelques règles élémentaires du savoir-vivre confraternel. Pourtant, fils d’un couple de médecins, le jeune Vibert connaissait les règles du jeu. Mais élevé par une grand-mère communiste, il aspire encore à bousculer l’ordre établi, à changer les choses, à refuser le diktat de l’argent, pas de malades privés dans son exercice professionnel. Dans le même temps, le Pr Vibert exhorte les facultés de médecine à sortir de la leur splendide isolement afin de s’ouvrir enfin (!) aux autres disciplines dispensées à l’université. Dans un esprit de transparence, le chirurgien invite à filmer demain toutes les interventions au bloc opératoire. Et parce que l’innovation est érigée comme une urgence, avec le soutien de Martin Hirsch, Éric Vibert a créé la Chaire d’innovation BOpA (pour bloc opératoire augmenté). Et comme cela n’était pas suffisant, le jour où nous avions rendez-vous, Éric Vibert filait ensuite au ministère de la Santé pour présenter à Oliver Véran son rapport sur la santé publique. Quelle est alors l’ambition ultime du chirurgien ? La politique alors qu’il affiche sans fausse pudeur son soutien à Emmanuel Macron ? « Je ne veux pas que tu fasses de la politique objecte ma femme ! ». Mais animé par la devise « on ne détourne pas un avion sans y être monté », le supersonique n’est pas près d’atterrir.  

 


Source : lequotidiendumedecin.fr