Le programme de Luigi di Maio (Cinq Etoiles) et de Matteo Salvini (Ligue) est foncièrement et délibérément anti-européen. Refusant de respecter les critères de Maastricht, les deux leaders s’apprêtent à accroître les dépenses publiques de quelque 100 milliards d’euros, ou plus, alors que la dette italienne atteint déjà plus de 132 % du produit intérieur brut (PIB). Le nouveau gouvernement italien renonce à la réforme des retraites, augmentera l’aide aux défavorisés, et entend réduire de plusieurs milliards la pression fiscale, c’est-à-dire les impôts directs ou indirects payés par les contribuables italiens. A quoi s’ajoutent des dispositions sur l’immigration (la reconduite à la frontière de 500 000 immigrants dans des délais rapides est prévue) dont l’irresponsabilité le dispute à l’ambition.
Ce programme a déjà entraîné une querelle franco-italienne puisque notre ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a rappelé que l’Italie était liée au respect des critères de Maastricht. Bien que sa remarque soit fondée, elle tombe à plat, car la victoire des populistes italiens et surtout leur accord de gouvernement s’accompagnent d’un triomphalisme que di Maio et Salvini ont du mal à maîtriser. « Que les Français s’occupent de leurs affaires, à déclaré M. Salvini. Les Italiens d’abord ». Cinq étoiles et la Ligue ont renoncé à quitter la monnaie unique, mais cela ne veut pas dire que leurs mesures vont la renforcer. De facto, l’Italie n’est plus dans la zone et elle n’est plus dans l’Union. Les deux leaders, que rien n’effraie, en tout cas pas l’outrecuidance, exigent de la Banque centrale européenne (dirigée par un Italien, Mario Draghi) qu’elle annule cent milliards de dette italienne sous le prétexte qu’il s’agit là d’investissements et non de dépenses.
Le poison du populisme
Le ton des deux nouveaux dirigeants, le simplisme de leurs principes, l’irresponsabilité avec laquelle ils traitent des questions financières, tout montre qu’ils sont les émules de Donald Trump et que le poison du populisme se répand en Europe à une vitesse éclair. Ils nous disent qu’ils représentent un présent tout neuf et donc notre avenir. Il suffirait de leur répondre qu’on ne gouverne pas en truquant les chiffres, en flattant les plus bas instincts de l’électorat et en annonçant sept années de vaches grasses sans avoir le moindre centime pour financer cette prospérité artificielle. Inégalités croissantes et immigration ont nourri le populisme partout dans le monde occidental depuis plusieurs années. Le Brexit en a été la première grande victoire, qui sonna en même temps le glas des intérêts britanniques bien compris, et la première grosse brèche dans l’Union européenne. Trump, avec sa politique protectionniste et son mépris du multilatéralisme, a donné un deuxième coup à l’édifice européen. Les élections allemandes de septembre 2018, en consacrant les populistes, munis d’une centaine de députés AfD au Bundestag, ont littéralement paralysé Angela Merkel, qui n’ose plus bouger le petit doigt tandis qu’Emmanuel Macron essaie de convaincre l’Allemagne de relancer l’Europe par la réforme.
Le président français doit être réaliste : ce qui se passe, c’est un effondrement des idéaux de l’intégration européenne. Il nous aura donc fallu moins d’un siècle pour passer de l’hitlérisme à un retour rampant du néo-fascisme, de l’intolérance, de l’antisémitisme et de la xénophobie. C’est déjà terrifiant en soi, mais une baisse sévère de l’euro, une augmentation des tensions entre partenaires de la zone euro, une absence complète de leadership européen fragiliseraient durablement les pays membres de l’Union et les exposeraient à l’influence négative de la Russie, de la Chine et des Etats-Unis.
Après le Brexit et Trump
Europe : le coup de grâce italien
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Publié le 24/05/2018
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Europe : le coup de grâce italien
Crédit photo : AFP
Richard Liscia
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Source : Le Quotidien du médecin: 9667
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