L'intellectuel français ? Il faudrait dire « parisien » plutôt que simplement « français ». Et l'auteur dit sa très précoce fascination devant la planète mystérieuse : « Devenir un intellectuel, j'en rêvais déjà dans ma jeunesse. »
Un livre a joué un rôle décisif dans son parcours, le roman de Simone de Beauvoir « les Mandarins », paru en 1954, traduit un peu plus tard en hébreu. On y voit évoluer le couple Dubreuilh et Henri Perron, comprenez le couple Sartre-Beauvoir et Camus. Mais la déception vient vite. Dans la réalité, le couple multiplie les triades sexuelles. L'auteure des « Mandarins » ira déclarer aux autorités qu'elle n'est pas juive pour pouvoir continuer d'enseigner et Sartre prendra sans état d'âme le poste d'un professeur juif poussé au départ.
Et de fait, il faudra bien que les yeux se dessillent. Les intellectuels ne sont pas tous les Voltaire de l'affaire Calas ou les Zola de l'affaire Dreyfus, époque à laquelle ce terme fut inventé avec un peu d'ironie. Ceci nous vaut quelques vignettes accusatrices.
Revient donc sur le tapis Sartre, dont « les pièces de théâtre souffrent d'un verbiage excessivement abstrait ». Thomas Mann, qui souhaitait rentrer en Allemagne, malgré le maintien du nazisme, pour préserver ses publications. Bertrand Russell, qui, à la fin de la guerre, suggéra de lancer l'arme atomique sur l'Union soviétique.
Sans que jamais l'auteur ne donne l'impression de régler des comptes, il fait un sort aux suppôts et supports inconditionnels du nazisme, stalinisme et maoïsme. Il rappelle en particulier que ceux qui jetaient au feu les livres des écrivains « dégénérés » étaient de jeunes étudiants plus que des gens des classes populaires.
Mythologie
On l'attendait avec impatience sur les récents événements qui ont frappé Paris. Or, surprise !, il s'en prend plutôt à Alain Finkielkraut ou à Pierre-André Taguieff, accusés de cabale contre le peuple musulman.
Shlomo Sand possède incontestablement une connaissance approfondie des remous politico-intellectuels qui agitèrent la France durant les dernières décennies. Il y a chez lui un peu du bon élève qui possède toutes ses fiches et, en même temps, une adhésion à une mythologie française qui fait penser à celle des Américains dans les films de Woody Allen.
Faute de contextualiser avec précision, l'auteur ne fait-il pas dans la facilité ? S'il s'agit de dire que nous sommes allés de Sartre à Zemmour, de Zola à Houellebecq, force est de lui donner raison. Et s'il s'agit d'évoquer notre époque du vide, du superficiel et de la com' accélérée, alors, oui, Shlomo Sand n'a pas totalement tort.
Éditions La Découverte, 288 p., 21 €
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