L A justification de la mise au point d'une vaccination contre H. pylori tient à la fois à la très grande prévalence de l'infection - plus de la moitié de la population mondiale, spécialement dans les pays défavorisés - et au risque de lymphomes gastriques et d'adénocarcinomes qui est attribué au germe.
Chez l'homme, trois études ont été publiées. L'une, chez 12 sujets sains porteurs asymptomatiques, a montré que l'administration orale d'uréase est sûre et bien tolérée (Kreiss et coll., « Lancet », 1996). Dans une autre, des volontaires ont reçu une souche atténuée de Salmonella typhi modifiée pour exprimer l'uréase de H. pylori (DiPetrillo, « Vaccine », 1999). Une réponse a été développée contre les antigènes de S. typhi mais pas contre ceux d' H. pylori. Dans la troisième, 26 sujets asymptomatiques, positifs pour H. pylori, ont reçu per os différentes doses d'uréase avec l'entérotoxine de E. coli comme adjuvant muqueux (Michetti, « Gastroenterology », 1999) ; 30 % des sujets ont présenté une diminution de la densité bactérienne ; une augmentation du titrage des IgA proportionnelle à la dose d'antigène a été montrée, ainsi qu'une augmentation des cellules produisant des IgA et des IgG anti-uréase dans le sang des volontaires.
Immunisation orale
Pour la première fois, il est montré que l'immunisation orale peut modifier les paramètres de l'infection chez l'homme. Ces résultats préliminaires indiquent donc que la vaccination thérapeutique est possible. Reste à élucider les mécanismes immunitaires nécessaires.
Longtemps, on a pensé qu'une vaccination efficace ne pourrait être mise au point, car les réponses immunitaires induites par la présence de la bactérie ne permettent pas, chez l'homme, de combattre l'infection, qui évolue vers la chronicité. Mais des études animales ont démontré la faisabilité d'une vaccination prophylactique, et même thérapeutique, avec des taux de protection/éradication variant entre 60 et 80 % (modèle souris).
On a recherché les antigènes protecteurs du côté des protéines. Avant l'élucidation du génome entier de H. pylori, une demi-douzaine d'antigènes protecteurs ont été décrits : les protéines de choc thermique HspA et HspB, la cytotoxine VacA, la protéine CagA et la catalase KatA. Après l'accès aux deux génomes séquencés de H.pylori, des centaines de protéines ont été criblées pour leur pouvoir protecteur. Il apparaît maintenant probable que le vaccin humain sera constitué d'une combinaison d'antigènes qui augmentera son efficacité.
Combinaison d'antigènes
L'étude des mécanismes de protection induits par l'immunisation montre que l'uréase, appliquée par voie intranasale, sans adjuvant, induit chez la souris de forts taux d'anticorps circulants et sécrétoires, sans pour autant protéger les animaux de l'infection. La coadministration d'un adjuvant est nécessaire, ce qui confirme la présence de mécanismes immuns complexes. L'insuffisance des anticorps sécrétoires ou circulants à assurer la protection a été par la suite confirmée chez des souris incapables de produire des anticorps ou des IgA.
L'implication de la réponse immunitaire cellulaire ne fait maintenant plus de doute. Des expériences de transfert de cellules T de souris donneuses immunisées contre Helicobacter du chat (H. felis) ont abouti à une réduction du nombre de bactéries dans l'estomac de souris receveuses. Maintenant, on sait que pour qu'une réponse protectrice puisse survenir, l'hôte doit exprimer une réponse équilibrée du type Th1/Th2.
Il reste maintenant à poursuivre les études pour définir les associations d'antigènes utiles, les adjuvants et les modes d'administration. Il est à parier que le futur vaccin sera constitué d'une préparation polyantigénique.
Irène Corthesy-Theulaz, Pierre Michetti (Lausanne), « Gastroenterol. Clin. Biol. », 2000 ; 24 : 1186-1190.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature