Ils sont tous deux médecins en formation. Le premier, L’interne de garde, a éprouvé le besoin de mettre en mots son expérience de la première vague épidémique. Sur la même période, Védécé, lui, a noirci ses cahiers de dessins. Ces futurs médecins, qui, vous l’avez compris, ont tenu à rester anonymes, ont retranscrit chacun de leur côté 35 jours de combat contre le coronavirus dans une bande dessinée sortie il y a quelques jours. Putain de Covid est en quelque sorte le journal de bord de deux internes chamboulés, comme tous leurs confrères, par cette crise sanitaire inédite.
Du 16 mars jusqu’au 19 avril, les deux acolytes relatent leur « confinement » et leurs 70 heures de travail hebdomadaires à l’hôpital. Comment leurs établissements respectifs ont vite été saturés par l’arrivée de nouveaux cas, comment les chambres normales ont été transformées en chambres de réanimation, comment les sonneries de téléphone sont devenues constantes du fait des nombreux appels des familles inquiètes. Et comment l’épidémie a envahi leur quotidien. « Du Covid, Covid, Covid… On mange, on dort, on chie, on parle, on blague Covid. » Pendant ces journées interminables, les repas sont pris sur le pouce, entre les détresses respiratoires.
Système D
Très vite les premiers morts, et la difficulté de l’annonce aux familles. Le manque de matériel, de masques, de lits, de médicaments. Et le système D pour y faire face, des « surblouses en sac poubelle », les économies de pousse-seringues… La surcharge de travail, la tension… et la trouille qui s’insinue. L’angoisse de mourir. « On commence à avoir peur pour nous, là où il y a trois mois, on avait peur pour nos patients, là où il y a trois semaines, on avait peur pour nos proches », confie avec beaucoup d’humilité L’interne de garde. Et quand enfin arrive une plage de repos, l’impossibilité de s’endormir. Mais aussi, au milieu de moments de douleurs, quelques instants de douceur. Les équipes exténuées se serrent les coudes. On remonte le moral d’un collègue qui a un coup de mou. On tente de profiter d’un café ou d’une assiette pendant une pause fugace alors que derrière la porte, des patients sont dans un état gravissime. Et dans ce maelström d’émotions, on s’interroge sur l’après : « Aura-t-on l’intelligence collective de réfléchir à cette crise ? »
Putain de Covid, éd. Hachette, 96 pages, 14,95 euros
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