Culture

Kundera et Forman, retour en Tchécoslovaquie

Par
Publié le 09/12/2021

La culture a-t-elle encore une place sinon un avenir en Europe ? En 1983, Milan Kundera publie dans la revue Le Débat un texte appelé à faire date. Il expliquait à ses amis français comment la culture avait été le ciment de l'identité de ces petites nations d'Europe centrale menacées tout au long de l'histoire de disparition. En Pologne, en Hongrie, en Tchécoslovaquie d'alors, les œuvres d'art ne procurent pas un supplément d'âme. Mais sont à l'origine des grandes révoltes qu'ont connu ces nations d'avant la chute du Mur. Et Milan Kundera de s'étonner du regard circonspect, (réprobateur ?) des intellectuels occidentaux. Ces mouvements par nature n'étaient pas populaires puisqu'influencés par la culture. « L'idée de culture se confond à leurs yeux avec l'image d'une élite des privilégiés. » Ce divorce, près de trente ans plus tard, est désormais acté. Bref, la lecture de ce texte incisif, sans bout de gras, est non seulement éclairante sur l'histoire récente mais pour notre époque. 

Le volume est complété par un texte inédit en français, prononcé au Congrès mémorable des écrivains tchèques de 1967, évènement crucial de ce printemps de Prague, et présenté par Jacques Rupnik. Charge subtile contre toute censure, c'est aussi un bel hommage rendu à la langue tchèque et à sa culture.

À la suite de la lecture de ce livre lumineux, il est hautement recommandable de passer aux travaux pratiques grâce à un coffret qui réunit les films tchèques de Milos Forman. Le réalisateur prend rapidement la tête de la nouvelle vague locale grâce au succès de l'As de pique, puis des Amours d'une blonde avant Au feu les pompiers ! premier film en couleurs. Entre désillusions et nostalgie, jamais Milos Forman ne s'abîme dans la caricature. Ses héros sont peut-être fatigués. Mais ils ne sont jamais taillés d'une pièce. Le regard est bienveillant, rarement cruel. Dans notre société en 2021 qui célèbre à toute heure le divertissement, peut-être faudrait-il cultiver à nouveau l'ennui, formidable moteur de la créativité d'un pays voué pensait-on alors à l'immobilisme ?

 

Un occident kidnappé ou la tragédie de l'Europe centrale, Milan Kundera, collection Le Débat, éditions Gallimard, 77 pages, 9 euros. Coffret Milos Forman, éditions Carlotta, 40 euros.


Source : lequotidiendumedecin.fr