Alors que la couverture vaccinale est considérée comme l’étalon-or pour évaluer la protection d’une population vis-à-vis des infections à prévention vaccinale, certains auteurs soulignent les limites de cette approche et mettent en avant l’importance d’un nouvel indicateur : le retard vaccinal.
« La couverture vaccinale est un indicateur incontournable mais insuffisant, affirme le Dr François Dubos (Urgences pédiatriques et Maladies infectieuses, hôpital Jeanne-de-Flandre, Lille).
Pour la majorité des vaccins pédiatriques, si les enfants sont correctement vaccinés, ils ne le sont néanmoins pas dans les délais recommandés. »
Par exemple, pour la vaccination antipneumococcique, si la couverture à deux ans est acceptable (88,6 % en 2010), le retard vaccinal au sein même de cette population est, quant à lui, excessif. À 6 mois, seuls 71 % des enfants ont eu la primo-vaccination (soit les 2 doses de vaccins). Cela signifie que 29 % des nourrissons à 6 mois ne sont pas protégés, à une période de vulnérabilité maximale vis-à-vis des infections invasives à pneumocoques puisque le pic d’incidence des méningites à pneumocoque se situait à 4 mois en 2010.
Le retard vaccinal La notion de retard vaccinal – défini par le temps entre l’âge recommandé et l’âge effectif de l’administration du vaccin – a émergé dans les années 1980, avec des articles américains concernant les retards pour les vaccins diphtérie, tétanos, poliomyélite où au moins 50 % des doses étaient injectées avec retard.
Ceci expose les jeunes nourrissons à des maladies à prévention vaccinales graves, voire mortelles, telle la coqueluche, les infections invasives à pneumocoques et à Hæmophilus influenzae b. « Au CHU de Lille, témoigne le Dr Dubos, nous avons chaque année des séquelles graves ou des décès de nourrissons suite à une méningite à pneumocoques de sérotypes vaccinaux, parce qu’ils n’ont pas été vaccinés à deux et quatre mois ».
Globalement, le retard vaccinal induit deux risques : le premier est de ne pas bénéficier de la protection immunitaire aux âges de vulnérabilité maximale et le second est de ne jamais compléter le calendrier vaccinal par effet domino. Ce retard expliquerait d’ailleurs la persistance de certaines infections et la survenue notamment de l’épidémie de rougeole en France entre 2009 et 2011. Le retard vaccinal était à l’origine de taux de couverture pour les premières et secondes dose de ROR n’atteignant respectivement en 2010 que 89,2 % et 60,9 % (données à 24 mois, InVS 2011). Le constat est le même avec la coqueluche chez les adolescents et les adultes jeunes.Mais si les conséquences théoriques sont évidentes, l’impact réel du retard vaccinal reste encore à évaluer.
Quels délais de vaccination sont acceptables ? Mais qu’est-ce qu’un retard potentiellement préjudiciable chez
l’enfant de moins de 2 ans ? Un consensus d’experts vient de répondre à cette question par méthode DELPHI (enquête auprès d’experts par questionnaire numérique). Présenté fin 2013, il est en cours de publication. Il définit le retard vaccinal significatif et potentiellement préjudiciable à l’échelle individuelle, selon le vaccin et la dose de vaccin considéré pour 6 des 10 doses de vaccins avant l’âge de 2 ans, et un délai maximum toléré pour les 4 autres. Un consensus sur le retard préjudiciable est plus difficile à obtenir au-delà de cet âge.
Quoi qu’il en soit, et en attendant plusieurs thèses à venir sur le sujet encadrées par le CHRU de Lille, la récente simplification du calendrier vaccinal contribuerait à réduire ce délai à la vaccination. « Nous avons le sentiment d’une très nette amélioration vis-à-vis des retards vaccinaux depuis la parution du calendrier simplifié en 2014 », explique le Dr Vincent Hulin, médecin généraliste à la Maison de santé pluridisciplinaire de Laventie (Pas-de-Calais).
Une autre piste est l’intégration des modules de vaccination dans les logiciels médicaux comme c’est déjà le cas pour certains « avec la possibilité de programmer des rappels et autoriser les praticiens à relancer les patients, suggère Vincent Hulin. De plus, dans notre maison de santé, les enfants sont suivis par un seul professionnel?; or ce qui me semble être un facteur de retard à la vaccination est la multiplicité des intervenants. »
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