Aiguë ou prolongée

La douleur des nourrissons doit être évaluée

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Publié le 22/05/2017
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Pour traiter la douleur, il faut d’abord la reconnaître et l'évaluer. Deux échelles françaises sont utilisées dans les services de néonatalogie et de pédiatrie : une pour la douleur aiguë provoquée par les soins, l’échelle DAN et une autre pour la douleur prolongée, l’échelle EDIN. Ces échelles servent de base et elles doivent toujours être interprétées en tenant compte du contexte global et de l’histoire du nouveau-né.

Échelle de douleur aiguë du nouveau-né (DAN)

DAN est une échelle française validée (R. Carbajal), simple et rapide, à utiliser auprès des enfants prématurés et nouveau-nés à terme jusqu’à l’âge de 3 mois. Elle permet d’évaluer l’efficacité des mesures préventives de la douleur lors d’un acte douloureux. Elle doit être faite avant, pendant et après le soin. Elle comporte trois items comportementaux (réponses faciales, mouvement des membres et expression vocale de la douleur) pour un score de 0 à 10. Le geste est douloureux si le score est ≥ 3 (fixé par les auteurs). « L’expression faciale est le paramètre comportemental le plus spécifique. Trois grimaces à elles seules sont caractéristiques d’une situation douloureuse : sourcils froncés, paupières serrées et sillon naso-labial marqué », souligne le Dr Elizabeth Walter-Nicolet (pédiatre, Groupe hospitalier Saint Joseph, service de néonatalogie).

Selon l’intensité de cette douleur provoquée par les soins, le traitement sera bien sûr différent. Pour une ponction au talon par exemple qui entraîne une douleur légère à modérée, une analgésie par une solution sucrée et une tétine ou l’allaitement maternel peut être suffisante. Pour une injection IM, ou utilisera en plus la lidocaïne-prilocaïne localement et pour un geste plus invasif (intubation, ponction pleurale…) on donnera des antalgiques puissants par voie systémique. Pour certains enfants (grands prématurés, enfants opérés) les soins de toilette, le change, la pesée peuvent être douloureux. « Il faut être le plus doux possible, bien préparer le soin, le faire en binôme et le réaliser en phase d’éveil, afin de respecter le rythme du nouveau-né, dans les meilleures conditions de confort possibles (enfant rassasié, bien installé) en évitant les sources de peur ou de stress (bruit), avec si possible la participation des parents. La présence de la mère rassure le bébé et renforce par ailleurs, le lien mère-enfant », ajoute le Dr Walter-Nicolet.

Une douleur répétée et prolongée dans la période néonatale peut avoir des conséquences sur le développement psychomoteur ultérieur de l’enfant, surtout chez les grands prématurés. Attention aux enfants « trop calmes » : immobilité, prostration, peuvent masquer une forte douleur (atonie psychomotrice). « La douleur doit être considérée comme un 5e signe vital. On doit l’évaluer au même titre que les autres paramètres vitaux : la température, la fréquence cardiaque, la respiration et la pression artérielle. Beaucoup de progrès ont été réalisés, mais il en reste encore à faire. Différentes études ont montré une grande hétérogénéité dans les pratiques dans les services de néonatalogie et de réanimation néonatale », souligne la spécialiste.

Échelle de douleur, inconfort du nouveau-né (EDIN)

EDIN est une échelle validée pour le nouveau-né à terme ou prématuré (T. Debillon). Utilisable en pratique jusque vers 3 à 6 mois, elle évalue un état douloureux prolongé lié à une pathologie (méningite, entérocolite…) ou en postopératoire. Elle est simple et rapide à réaliser. Elle comporte cinq items pour un score de 0 à 15 : visage (détendu, grimaces passagères, fréquentes, crispation), corps (détendu, agitation transitoire, fréquente ou permanente), sommeil (s’endort facilement, difficilement, se réveille, pas de sommeil), relation (sourire, appréhension passagère, contact difficile, refuse le contact) et réconfort (n’a pas besoin de réconfort, se calme rapidement, se calme difficilement, inconsolable). Il est essentiel de bien connaître le comportement des enfants en dehors des périodes douloureuses afin de pouvoir réaliser une comparaison. Le seuil de traitement (non fixé par les auteurs), communément admis en clinique est de 4 ou 5. Au-dessus de 5, la douleur est probable (traitement antalgique par voie systémique), en dessous, on évoque plutôt l’inconfort que la douleur. « Dans ce cadre, il est important d’anticiper les prescriptions pour que les soignants puissent donner rapidement du paracétamol lorsque le score est supérieur à 5. Il faut également penser à revenir voir le nouveau-né et réévaluer régulièrement le traitement », précise le Dr Walter-Nicolet. Enfin, les nouveau-nés les plus prématurés présentent moins de réactions. Leur développement moteur est plus immature et percevoir les signes de douleur dans cette population est difficile. L’échelle PIPP (Premature Infant Pain Profile), actuellement la mieux validée, tient compte du terme. Elle comporte sept items dont 3 comportementaux, 2 physiologiques (mesure de la SpO2 et de la fréquence cardiaque) et 2 contextuels. Elle est surtout utilisée en recherche car difficile à mettre en œuvre au lit du patient.

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin: 9583