Reconnaissance des handicapés psychiques

La loi de 2005 n’a pas (encore) garanti leur intégration réelle dans la cité

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Publié le 29/06/2015
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La loi de 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » est un tournant dans la reconnaissance du handicap psychique.

« C’est la première fois que le handicap psychique est entré dans la loi », a résumé Philippe Charrier, président de l’UNAFAM*, lors d’un colloque organisé le 25 juin. Avec elle, les handicapés psychiques acquièrent une protection dans la vie de tous les jours, et pas seulement juridique (hospitalisation sans consentement, irresponsabilité pénale). Preuve par les chiffres d’un changement : en 1991, plus de 42 % des patients (issus de l’UNAFAM) vivaient chez leurs parents, 38 % d’entre eux subissaient cette situation. Seulement 28 % habitaient dans un logement personnel, explique la sociologue Martine Bungener. En 2011, les proportions sont inversées : plus de 46 % des patients vivent « chez eux », tandis que 22 % sont dans une cohabitation choisie.

Le citoyen, au-delà du malade

L’inscription du handicap psychique (défini comme interaction entre altération psychique et environnement) dans la loi a été arrachée de haute lutte, grâce à la bienveillance de Jacques Chirac, dit-on. « La reconnaissance de la distinction entre déficience mentale et handicap psychique (difficultés cognitives, non intellectuelles, forte médicalisation et variabilité) fut un combat de titans ; même au sein de l’UNAFAM, cette division existait et des psychiatres refusaient qu’on parle de handicap car ils visaient la guérison », se souvient Jean Canneva, président d’honneur.

« Cette loi reconnaît une personne, un citoyen, et non un malade », salue Roselyne Touroude, vice-présidente de l’UNAFAM. « Elle a permis de sortir du champ de la psychiatrie », ajoute-t-elle.

« Cette loi n’est appliquée qu’à quelques pourcentages », regrette Jean Canneva. « Les malades psychiques vivent dans la cité : mais comment ? L’accès aux compensations permet de mieux vivre la désinstitutionnalisation », assure explique Roselyne Touroude. Concrètement, il faut faciliter l’émergence de la demande d’aide car c’est la personne elle-même qui sollicite la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), revoir les outils d’évaluation des besoins spécifiques des handicapés psychiques et améliorer l’éligibilité aux prestations. Il faut aussi développer l’offre associative, qui porte les groupes d’entraides mutuelles (GEM), défend la responsable de l’UNAFAM.

Les MDPH doivent être évalués, selon Patrick Gohet, adjoint au Défenseur des droits, d’autant que les maisons départementales de l’autonomie, où s’opère une convergence avec le vieillissement, sont en cours d’expérimentation.

« Soins de réadaptation sociale »

En matière d’emploi, les spécificités des handicapés psychiques doivent aussi mieux être reconnues, défend l’UNAFAM. Les 3/4 des ESAT sont des structures mixtes pour tous les handicaps. Une situation peu satisfaisante, estime Béatrice Borrel, vice-présidente, car le personnel n’est pas toujours formé à ces maladies aux manifestations variables et aux traitements épuisants. En milieu ordinaire, « pas sûr qu’on ait progressé depuis 2005 », estime-t-elle, en demandant un accompagnement (pas seulement familial) dans la durée et de la fluidité dans les parcours.

En santé enfin les soins doivent se conjuguer aux droits à la citoyenneté. « Le chaînon manquant, ce sont les soins de réadaptation sociale ; il faut renforcer la notion de rétablissement », explique le psychiatre Pascal Cacot. « Le handicap psychique est entré comme par effraction dans le champ du handicap en 2005 et la société n’a pu intégrer d’un coup une ouverture plus grande au handicap et les spécificités du handicap psychique. L’enjeu est désormais de faire reconnaître ces dernières », conclut Martine Bungener.

*Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques
Coline Garré

Source : Le Quotidien du Médecin: 9424